Pour nous Français, la Corée se trouve bien loin et représente plus la menace d’une concurrence économique que la nécessité de la mission ou de l’aide aux plus pauvres. Le père Philippe Blot, prêtre des Missions étrangères de Paris (MEP), s’occupe depuis plusieurs années de foyers d’accueil pour jeunes Coréens. Le lundi 16 décembre, il a prononcé à la Maison Saint-Jean de Gunpo, dans le diocèse de Suwon, en Corée du Sud, le discours suivant en présence de l’Ambassadeur de France, M. Pasquier, et du Consul de France, M. Rocque. Un petit résumé des principes de l’éducation chrétienne et de la nécessaire fidélité aux racines chrétiennes. N’hésitons pas en cette période de l’Avent de venir en aide à l’action missionnaire du père Philippe Blot (voir à la fin de cet article les coordonnées dans ce sens ainsi que la vidéo de témoignage du père Blot).
La prière et le sport
Il y a quelques années, répondant à un journaliste qui m’avait interrogé sur les principes pédagogiques mis en œuvre dans les différents foyers d’accueil dont j’ai la responsabilité, j’avais répondu : « Dans l’ordre : La prière et le sport ».
En fait, cela n’avait en soi rien d’extraordinaire ! Il s’agissait de la simple reprise du vieil adage latin bien connu des éducateurs spécialisés dans le monde des jeunes : « Mens sana in corpore sano » c’est-à-dire : « un esprit sain dans un corps en bonne santé ».
Pourtant, s’il est vrai que, dans le contexte actuel, on voit bien ce que le sport peut apporter pour la croissance d’un enfant et d’un adolescent, la prière, elle, est devenue un mot pour le moins un peu étrange.
De fait, l’esprit, la « mens » de l’adage latin, ne recouvre pas entièrement ce qui correspond à la connaissance, aux études littéraires, scientifiques, artistiques… qui impliquent elles-mêmes le dialogue avec l’éducateur, et donc on parlera plutôt de « maïeutique » qui est un autre principe pédagogique très ancien, cette fois-ci issu de la philosophie grecque, qui implique l’accès au savoir moyennant une découverte, littéralement un « accouchement » a partir d’un processus de maturation mettant en œuvre une initiation de l’enfant et de l’adolescent à la véritable liberté, c’est-à-dire une liberté responsable, sachant distinguer le bien du mal et rendue capable de choisir le bien.
Notre « électricité », c’est la charité
Oui, quand nous évoquons la « prière » et donc la « mens » nous faisons référence à « l’esprit » et même plus à « l’âme » ; de même qu’une ville, comme Séoul, a un besoin vital de l’électricité produite par l’énorme centrale qui l’alimente en énergie, de même, ici, notre « électricité », notre énergie, notre flux de vie, qui a pour nom « l’amour » ou la « charité », en choisissant un terme de vocabulaire chrétien, ou si l’on veut, « le don de soi » par « amour de Dieu » et « pour l’amour de Dieu et du prochain », notre énergie vitale provient du cœur de notre chapelle qui se trouve au deuxième étage et que vous pourrez voir tout à l’heure. Dans cette chapelle nous croyons que Dieu est présent dans le tabernacle ou se trouve une petite lampe rouge toujours allumée. Ce lieu sacre est pour tous ceux qui vivent dans le foyer, jeunes-éducateurs-bénévoles-Volontaires, a la fois un endroit de recueillement, d’adoration, et aussi « la tente de la Rencontre » avec Celui qui s’est présenté comme « Le Chemin, la Vérité et la Vie »
De fait, tous les enfants et adolescents vivant dans nos foyers, qu’ils soient déjà chrétiens ou non, sont appelés a cette maïeutique spirituelle, qui n’a évidemment rien a voir avec une quelconque propagande religieuse, ni un conditionnement de l’esprit. Il s’agit d’une rencontre, d’une révélation, c’est-à-dire d’un dévoilement, donc un face à face avec cette Source d’Amour qui nous fait vivre et qui justifie notre présence parmi eux.
Le rythme de nos journées
Oui, c’est cela l’activité de l’âme qu’on appelle « la prière » rythmant toutes nos journées ici dans nos foyers. Il n’est donc pas rare que les jeunes de nos foyers viennent nous trouver pour nous faire part de leur désir d’entreprendre une démarche de catéchuménat conduisant au sacrement du Baptême.
Excellence !
Les enfants et les adolescents qui vivent chez nous sont ceux que le progrès fulgurant du niveau de vie, dans ce pays capitaliste qu’est la Corée du Sud, a laissé sur le bord de la route : enfants abandonnes par des parents séparés, enfants maltraites par un père alcoolique, jeunes de la rue blesses par la violence des plus grands, jeunes meurtris par la délinquance… Et même des jeunes réfugiés de Corée du Nord qui ont connu l’exil, la fuite en pays étranger et qui, vous l’imaginez bien, portent en eux des images terribles de l’enfer auquel ils ont pu échapper…
Nous parlons de « foyers »… Je viens d’en exprimer la signification. Nous voulons pour nos jeunes constituer une vraie famille : En effet en demeurant dans des dimensions modestes (7 enfants avec 2 éducateurs par foyer) nous désirons accorder une attention particulière à chaque enfant, qui nous est confié soit par les services de la ville de Gunpo, ou par les services caritatifs de notre diocèse de Suwon, pour les conduire par le processus éducatif de cette maïeutique que j’évoquai auparavant, c’est-à-dire un processus de maturation progressive de leur personnalité, à devenir autonomes, moyennant, quand ils quitteront définitivement le foyer, un travail, un logement… Tout en ayant découvert leur propre vocation, c’est-à-dire la capacité de tracer leur propre destin.
L’exigence de la vocation
« La vocation », c’est le dernier point que je voudrais évoquer. On dit souvent, et cela est profondément vrai, « qu’on n’échappe pas à sa propre vocation », car, si par malheur, on refuse d’y correspondre, on devient alors le plus malheureux des hommes. La aussi, il ne s’agit pas de déterminisme, de conditionnement, mais d’un épanouissement, d’une réalisation de son être correspondant aux talents que nous avons reçus de Dieu et que nous désirons mettre librement au service des autres pour les faire grandir dans leur humanité. Il en est de chaque personne comme il en est des nations, qui sont, elles, aussi, de grandes familles, liées par une langue, une culture, des idéaux de liberté, d’égalité et de fraternité.
Monsieur l’Ambassadeur, le prêtre catholique qui vous parle et les jeunes Volontaires français (dont certains sont ici présents) qui se succèdent pour donner quelques mois de leur vie, voire une année, n’oublient pas qu’ils sont français ! C’est pourquoi nous vous recevons avec joie et reconnaissance aujourd’hui a Gunpo ! Nous vous accueillons en voyant en vous le représentant de la France, Fille aînée de l’Église catholique. La France, dont la vocation, disait le Bienheureux Pape Jean-Paul II, par qui j’ai été ordonne prêtre il y à 23 ans, est d’être « éducatrice des peuples ». Rien de moins que cela !
La vocation de la France
Ce thème de « l’éducation », contenu dans cette formule devenue si célèbre, vous l’avez compris, nous interpelle particulièrement, et il correspond tout à fait à ce que nous avons entrepris dans nos foyers en Corée du Sud depuis une vingtaine d’années. À notre humble place, ici à Gunpo, nous voulons être fidèles à cette vocation propre de la France, celle d’être « éducatrice des peuples » qui fait son rayonnement et lui attire l’amitié des autres peuples.. C’est donc cet humanisme chrétien que la France porte dans son âme qui nous anime et fait vivre ici en faveur des jeunes blessés par la société.
À quelques jours de Noël et du Nouvel an, permettez-moi, Excellence, de vous présenter au nom de tous ceux et celles qui vous accueillent aujourd’hui avec grande joie tous nos vœux de Joyeux Noël, a vous-mêmes, a votre famille et amis, ainsi qu’à vos collaborateurs. Et Nous vous souhaitons aussi une heureuse et sainte année 2014 !
Je vous redis tous mes remerciements chaleureux et cordiaux.