Au quotidien n° 135 : bioéthique et sophisme : la parole est au Père J. F.

Publié le 26 Jan 2021
Au quotidien n° 135 : bioéthique et sophisme : la parole est au Père J. F. L'Homme Nouveau

Les évêques de France ont appelé à quatre jours de jeûne et de prière pour protester contre la loi de bioéthique. Un appel qui ne plaît pas à tous, et notamment au délégué diocésain au monde de la santé du diocèse de Bordeaux, le père Jacques Faucher qui a publié dans La Croix (18 janvier) une Tribune libre remettant en cause cette demande. Appel des évêques de France, et donc normalement de celui de Bordeaux, dont le Père Faucher est… le délégué pour le monde de la santé… Cette Tribune a fait réagir les lecteurs du quotidien. On les comprend…

Pour protester contre la loi relative à la bioéthique que les sénateurs examinent en deuxième lecture début février, les évêques de France demandent quatre jours de jeûne et de prière pour « que nos yeux s’ouvrent ! » Les yeux de qui ? et sur quoi ?

Oui nous allons prier et jeûner quatre jours, pour « que nos yeux s’ouvrent » à la grandeur et la beauté, au dévouement et à l’inventivité, au pluralisme et au dialogue, à l’écoute et l’accompagnement de personnes en situation complexe, de soignants et d’usagers devant des dilemmes de diagnostic anténatal grave, de possibilités d’interruption médicale de grossesse, de recours à des assistances médicales à la procréation, d’arrêt de traitement, de fins de vie difficiles.

Oui nous allons prier et jeûner pour que nous sortions de notre aveuglement sur le monde de la santé et de la science, sur le monde contemporain, son pluralisme, ses compétences, ses réalisations techniques, institutionnelles et financières, son souci du chemin de chacun avec d’autres, tout ce qu’il met en œuvre d’interrogation, de comité et d’espace de réflexion éthiques, de liberté et de responsabilité.

Oui nous allons prier et jeûner pour que nous sortions de notre aveuglement de ne nous adresser qu’à des groupes situés, qui ne parlent pas au nom de l’ensemble des catholiques et nous entraînent dans un clivage desservant la communion dans la société et dans l’Église entre les bons et les mauvais catholiques, ceux qui hurlent fort et ceux qui, affrontés à des questions difficiles dans leur vie et leur profession, n’auraient pour seule perspective que de se taire ou de quitter cette Église qui non seulement ne prierait pas pour eux mais les exclurait. Oui nous allons prier et jeûner pour que nous sortions de notre aveuglement qui confisque le souffle de l’encyclique Fratelli tutti pour des préoccupations bioéthiques partisanes. Voyons et écoutons que la plupart des personnes affrontées à des situations complexes ne sont pas d’abord dans l’égoïsme, l’individualisme, l’hédonisme, mais avant tout travaillées par la liberté et la responsabilité, le souci de l’autre et l’amour.

(…)

Ouvrons nos yeux sur notre Église, sur toutes les pastorales de la santé, du social, des prisons, de l’enseignement, des familles, qui chaque jour accueillent, écoutent, accompagnent les personnes en situation difficile, et découvrent que l’Évangile ne passe pas d’abord par des prises de position péremptoires et clivantes, mais par un dialogue et même une remise en question de certaines positions magistérielles au nom de l’amour du frère : Fratelli tutti !

Ouvrons les yeux ! Plein d’hommes et de femmes mettent leur compétence et leur dévouement au service public de la santé, du social, de la vie ensemble (caissières, éboueurs, enseignants, artistes, etc.). Il ne faudrait pas que notre aveuglement empêche ceux qui marchent en avant, dans l’Église et dans le monde, de se rencontrer, de se réjouir et de construire ensemble un monde au service de tous, et d’abord des plus fragiles, Fratelli tutti !

La Croix du 26 janiver publie des réactions de lecteurs dont voici deux extraits :

Est inexacte l’affirmation « partisane » : au contraire celles et ceux qui manifestent, en libres citoyens, ne demandent rien pour eux, mais pour l’autre, le faible, l’orphelin. Alors oui, ouvrons nos bras et notre cœur, les yeux ne suffiront pas, à l’adoption, pour accueillir les survivants d’un massacre qui ne deviendra libérateur pour personne, ni humainement acceptable par légalisation.

Est inexact d’affirmer qu’après avoir dénoncé le cléricalisme des grands prêtres, le peuple enthousiaste suit Jésus dès lors dans « la liberté de l’Esprit ». La réalité c’est queles mêmes au contraire vont réclamer sa mort alors qu’ils l’acclamaient la veille. C’est seulement après la venue de l’Esprit de Pentecôte qu’ils suivront le Christ jusqu’à les conduire au don ultime de leur vie. (…)

(…)

Je l’ai trouvé clivant, et faisant reposer la faute du clivage sur des gens dont il dénonce l’action. Ces gens-là, comme d’autres, peuvent aussi avoir le souci de leur prochain, et c’est peut-être le sens de leurs multiples actions. Qui a dit qu’ils se croyaient meilleurs catholiques que les autres ou même « meilleurs humains » ?

Peut-être même sont-ils soignants, enseignants ou travailleurs sociaux, et sont-ils proches des gens auxquels le père Faucher les oppose, et peut-être partagent-ils au quotidien leurs souffrances et leurs interrogations personnelles ?

En quoi réagir au retrait de la clause de conscience, à l’avortement jusqu’à neuf mois de grossesse ou à la création de chimères serait-il le fruit d’un « enfumage » qui plus est religieux ? En quoi sont-ce des « préoccupations bioéthiques partisanes » ? Le débat et le dialogue entre citoyens seraient-ils interdits ? Peut-être ces gens à qui le père Faucher fait un procès d’intention et qu’il accuse d’étroitesse d’esprit n’ont-ils aucun intérêt personnel à leur action ?

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