Dans une Tribune publiée dans Le Monde (10 février), Cédric Villani, ancien de la LREM, mathématicien célèbre, Médaille Fields 2010, député non inscrit de l’Essonne, membre du collectif Ecologie Démocratie Solidarité et ancien candidat à la Mairie de Paris, défend le principe de l’instruction à la maison. Un texte à connaître même s’il prend appui sur les « principes de la République » contre ceux qui déploient également les… « principes de la République ».
Le projet de loi « confortant le respect des principes de la République », visant à lutter contre le séparatisme, est en examen à l’Assemblée nationale depuis le 1er février. Après seulement quelques semaines de débat, il entend modifier de grandes lois de la République, fruit d’années
de travail parlementaire, comme la loi de 1905 sur la laïcité ou la loi Ferry du 28 mars 1882. Dans un tel contexte de précipitation, il n’est pas étonnant que le projet du gouvernement comprenne des mesures disproportionnées et dangereuses.
Ainsi, le texte s’en prend à une liberté ancienne, la liberté d’instruction : le droit fondamental pour les parents de décider de l’instruction à donner à leurs enfants, y compris, le cas échéant, de la dispenser à domicile au sein de la famille, sous le contrôle de la République. La loi Ferry en a posé le principe, simple et général : contrôle annuel de chaque enfant et réintégration dans l’école si ses progrès sont insatisfaisants. Tout au long de ses presque cent quarante ans d’histoire, la liberté d’instruction a joué avec souplesse son rôle dans la grande diversité des milieux sociaux, situations et motivations qu’elle recouvrait — éloignement pour les uns, projet familial pour les autres, situation temporaire difficile, etc. (…)
C’est sur la base d’une étude d’impact indigente, à charge, présentant systématiquement l’instruction en famille sous un angle biaisé et soupçonneux, que le projet de loi du gouvernement entend, avec son article 21, faire disparaître la liberté d’instruction en famille. Le travail préparatoire a été particulièrement bâclé : une seule audition préliminaire a invité une seule équipe de sociologues spécialistes de cette modalité d’instruction, et encore a-t-elle été organisée en catimini, sans retransmission publique ! Une telle légèreté, pour réviser rien moins que les lois Ferry, un pilier de notre République, est un scandale pour notre Etat de droit. (…)
Sous prétexte de renforcer les principes républicains, ce texte de loi va supprimer inutilement et injustement un système qui a fait ses preuves et joue bien son rôle de soupape marginale ; il va frapper des familles qui ont éduqué leurs enfants dans le respect de la République et ne comprennent pas que l’on s’en prenne à elles. Cette restriction de plus est une restriction de trop, non nécessaire et disproportionnée, décidée de manière bâclée et avec mauvaise foi. Nous, députés de bancs variés, issus de la gauche, du centre et de la droite, demandons la suppression de l’article 21 du projet de loi.