L’Opinion (28 avril 2021), qui est loin d’être favorable aux militaires signataires d’une Tribune libre (voir Au quotidien n° 196), a interrogé le politologue Jérôme Fourquet, directeur du département opinion de l’Ifop et auteur de L’archipel français sur l’éclatement de la France. Un regard plus distancié que la simple condamnation et qui pointe la disparition du régalien.
Quel regard portez-vous sur la lettre des généraux et les polémiques politiques qu’elle provoque ?
C’est sans doute révélateur d’un état de colère et d’exaspération d’une partie de l’armée et des forces de l’ordre d’active, compte tenu de l’insécurité galopante sur fond de menace terroriste. C’est également manifestement le signe d’un défaut de crédibilité de l’exécutif en la matière. Comme professionnel, les militaires sont bien sûr contraints à un devoir de réserve, mais la question est de savoir ce qu’ils pensent comme citoyens.
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Le malaise est donc plus profond et plus général que la simple expression d’officiers à la retraite ?
Le péché originel d’Emmanuel Macron reste, selon moi, la démission du général de Villiers, dès juillet 2017, avec dans une bonne partie du milieu militaire, des réactions sur le thème : mais pour qui il se prend pour traiter ainsi le chef d’état-major ? Plus généralement, on reproche à l’exécutif une sous-évaluation de la menace et de son ampleur. Des petites phrases du Président sur la guerre d’Algérie, le « mâle blanc », etc., passent mal.
On observe dans l’opinion une très forte demande de sécurité, avec la réédition quasi quotidienne de scènes de violences urbaines. Il y a un sentiment de perte de contrôle sur le « régalien », l’impression que ça flotte et la crainte d’une dislocation du pays. En creux, la lettre des généraux exprime ce procès en défiance vis-à-vis de l’exécutif sur son absence de crédibilité. Le texte des militaires contient d’ailleurs un couplet sur les Gilets jaunes. Face à cela, les coups de menton de l’exécutif ne suffiront pas.