À l’occasion de l’hommage national rendu à Jean-Paul Belmondo, Gilles Martin-Chauffier dans sa chronique de Paris-Match (16 septembre 2021) estime que la politique elle-même s’enfonce dans ce que Guy Debord a conceptualisé comme la société du spectacle.
La France devient un parc d’attractions. Ouvert à tous, puisque la racine de notre crise morale semble venir du fossé grandissant entre les élites et les classes populaires. Les hautes sphères se croient obligées d’adorer le football et « Koh-Lanta ». Tant mieux, moi aussi j’aime les Bleus. Mais cette surenchère de complicité m’intrigue. Pour nous remobiliser, on nous organise des marches blanches nationales à la première occasion. Comme si la société ne montrait son âme que lorsqu’elle sanglote. Soudain, on échappe aux sondages, aux polémiques, aux défilés et on baigne dans un chagrin bienveillant. Avec, en prime, à chaque fois, un discours du président en personne. (…)
On aurait dit Clemenceau à la tribune du Palais-Bourbon répétant : « En politique intérieure, je fais la guerre ; en politique extérieure, je fais la guerre ; je fais toujours la guerre. » Sauf que lui, il parlait cinq jours après la paix de Brest-Litovsk qui actait la défaite de la Russie et annonçait le retour de millions de soldats allemands sur le front ouest. L’ennemi n’était pas un pangolin mais Guillaume II lui-même. L’heure était vraiment à l’alarme générale. Le glas sonnait chaque jour dans toutes les villes. Tandis qu’aujourd’hui on mobilise au moindre carillon. Dès qu’une paupière se ferme, l’Élysée sort son stylo. Les larmes tournent à l’aphrodisiaque d’État. Hier, gouverner, c’était prévoir ; maintenant c’est pleuvoir.