Dans son numéro du 4 novembre 2021, Le Point propose la traduction d’un article du magazine américain « The Atlantic » analysant sous l’expression de « Grande Démission » – un écho à la « Grande Dépression » des années 1930 – un des effets imprévus de la Covid 19.
C’est au printemps dernier que j’ai commencé à remarquer cet étrange phénomène. En avril, aux États-Unis, le nombre de travailleurs à avoir quitté leur emploi en un seul mois battait un record historique. Un mouvement que des économistes ont désigné comme la » Grande Démission « . Mais il n’en était qu’à ses débuts. En juillet, le nombre de démissionnaires allait encore grossir. Et en août, on atteignait un nouveau sommet. La Grande Démission ? Elle ne fait que s’amplifier. Les » Quits « , comme les répertorie l’office américain des statistiques du travail, sont en hausse dans quasiment tous les secteurs. Pour les professionnels des loisirs et de l’hôtellerie, notamment, la vie ressemble à une gigantesque porte-tambour. Près de 7 % des employés du secteur » hébergement et services de restauration » ont quitté leur emploi en août. En d’autres termes, chez les barmen, serveurs de restaurant ou réceptionnistes d’hôtel, une personne sur quatorze aura rendu son tablier en un seul mois. Grâce aux aides d’urgence débloquées durant la pandémie, au moratoire locatif et à l’annulation des prêts étudiants, tout le monde, et surtout du côté des jeunes et des bas salaires, a plus de liberté pour laisser tomber un boulot détesté et aller voir ailleurs.
Comme je l’écrivais au printemps, la démission est un concept que l’on associe généralement aux perdants et aux fainéants. Mais ce niveau d’abandon professionnel traduit en réalité une vague d’optimisme qu’il faut entendre comme : » Nous pouvons faire mieux. «
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Pour les travailleurs, en tout cas. Du côté des plus rares employeurs et chefs d’entreprise – pour qui la vie était bien plus belle avant la pandémie -, cette période doit donner l’impression de sauter de la poêle à frire du chaos économique pour atterrir dans les feux de l’enfer managérial. Les postes vacants sont légion et beaucoup le resteront encore des mois. Dans le même temps, les chaînes d’approvisionnement s’effondrent à cause d’une hydre de goulots d’étranglement. Pour faire marcher une entreprise, il faut des gens et des pièces. Avec des gens qui démissionnent et des pièces qui manquent, difficile d’envier les patrons en ce moment.