Plus on parle d’Europe, plus la cagnotte des rédacteurs en chef de France Télévisions augmente. Il fallait y penser. Marianne (19 janvier) commente cette découverte du Monde.
À quoi reconnaît-on qu’une idéologie a le vent en poupe en 2021 ? Sa force de diffusion la dispense du petit écran pour convaincre. Elle s’impose irrésistiblement en trouvant écho sur Internet, les réseaux sociaux, par le bouche-à-oreille. À quoi reconnaît-on qu’une idéologie est déclinante en 2021 ? Elle est mise sous perfusion par le groupe France Télévisions et le gouvernement, par la force de l’argent grâce au premier et celle de la loi grâce au second. Ainsi de l’européisme. Le Monde nous apprend que, depuis plusieurs mois, une partie variable de la rémunération des rédacteurs en chef de France Télévisions « dépend de leurs efforts de renforcement de la couverture des sujets européens ». (…)
Qu’il s’agisse d’en dire du bien ou du mal, la pratique de prime financière et de contrainte éditoriale pose problème. Dans ce registre : l’avis de Clément Beaune, secrétaire d’État aux affaires européennes, qui « s’agace régulièrement des insuffisances de France Télévisions ». Il faut « renforcer les mécanismes qui conduisent nos chaînes publiques à parler davantage d’Europe (…)
Cherchons tous les moyens possibles de contrainte ou de pression pour arriver à cela », a-t-il déclaré en septembre dernier, invoquant sans sourciller « une obligation de service public ». (…)
Gouvernement, direction de France Télé : même combat, donc. L’Europe à la télé, si ça ne marche pas, c’est qu’il y a un truc qui coince en haut, car en bas, les Français n’attendent que ça. Que le sentiment européen ruisselle par packs de douze. Toujours, bien entendu, avec l’idée que « parler d’Europe » relève de la neutralité, puisque notre appartenance y est naturelle. C’est même un « service public », a dit Clément Beaune. Constante indissociable de l’européisme depuis ses premiers souffles : être persuadé que plus on fournira aux citoyens l’envie d’aimer l’Europe, plus le sentiment européen suivra. Simple question de dosage ici et maintenant, avec la grande félicité européenne au bout du tunnel. Le marché unique soudera les peuples, Erasmus les rendra européens et l’euro tous heureux. Axiome rudimentaire : l’appétit vient en mangeant.