Dans une tribune de Valeurs actuelles ( 7 mars 2021) Ingrid Riocreux s’inquiétait des conséquences du port du masque pour les enfants. Un faux problème ? Pas si sûr.
Une pédopsychiatre a récemment rejoint le Conseil scientifique. Bonne nouvelle, car si l’on s’inquiète pour nos étudiants, que dire du sort de nos plus jeunes ? Pour la seconde fois en trois jours, Franceinfo consacre son Vrai du faux à la question du port du masque chez les enfants ; les deux fois, c’est pour conclure que, contrairement aux rumeurs, inquiétudes ou fausses informations, les enfants, dans leur grande majorité, « tolèrent très bien cette protection ». Que cela contredise tous les témoignages de parents, d’enseignants et, bien sûr, d’enfants n’est pas un problème : le fact-checking de Franceinfo est là pour nous rappeler que la vérité n’est pas ce que nous voyons mais ce qu’on nous dit. Or, en la matière, la contrainte se renforce (depuis le 8 février, les masques faits maison sont interdits à l’école) et personne ne s’en inquiète publiquement car l’étiquette d’“anti-masques” est en passe de devenir au moins aussi infamante qu’anti-vaccins ou anti-IVG, c’est dire. Pourtant, il me paraît légitime de s’inquiéter des effets probablement nuisibles de cet accessoire qu’on prétendit inutile avant de le rendre obligatoire et que, désormais, il est si malvenu de critiquer. (…)
Il faut être directement en contact avec des bébés pour imaginer les conséquences qu’aura sur eux cette aube de la vie vécue dans un monde de masques. Les pédiatres nous parlent de l’importance du caché- coucou pour acquérir “la permanence de l’objet” : pour Bébé, un visage masqué n’est donc pas un visage, c’est une paire d’yeux ; la bouche qu’il ne voit pas, il ne la devine pas ; et cette voix qu’il entend, il ne sait pas d’où elle vient. Ôtez votre masque devant Bébé : il vous regarde et vous sourit, ou manifeste de la crainte s’il ne vous connaît pas. Autrement dit, il sait qu’il a affaire à une personne. Remettez votre masque : Bébé vous fixe comme il regarderait un objet curieux et inquiétant. Nous sommes nombreux à faire ce constat et il faut rendre hommage à ceux qui tentent de ménager une place pour ce sujet dans le débat public. (…)
Ce n’est pas du tout un questionnement secondaire que celui de l’avenir des tout-petits qui auront découvert le monde en rencontrant partout des visages masqués. Il faut certainement lutter contre ce coronavirus ; mais si nous produisons une génération de bègues autistes psychotiques et névrosés, aurons-nous vraiment gagné ?
Concluons sur un paradoxe : on s’est interrogé à longueur de débats télévisés et d’articles pour savoir si l’on avait le droit d’ôter son masque pour fumer ; puisque la réponse, semble-t-il, est “oui”, je crois que dès demain, j’allumerai une cigarette pour la promenade en poussette et j’expliquerai plus tard à mon enfant que c’est à cause du coronavirus qu’il a un cancer.