La langue française est en recul. Dans la rue, dans les médias, mais aussi dans les documents officiels. Dès l’été prochain, la nouvelle carte d’identité sera bilingue. Hélène Carrère d’Encausse, secrétaire perpétuel de l’Académie française, et Frédéric Vitoux, écrivain et membre de l’Académie française, s’inquiètent des conséquences de ce changement dans une tribune libre publiée par le Figaro.
Certes la directive stipule que cette nouvelle carte d’identité doit être traduite dans au moins une langue de l’Union. Mais dans leur zèle à l’appliquer les auteurs de ce projet ont ignoré un certain nombre de réalités, et tout d’abord ce que demandait précisément la directive. Elle stipule que ce qui doit être obligatoirement traduit est le titre du document – carte d’identité – le reste étant laissé à l’initiative de chaque pays membre.
Plus encore, si la directive précise que la traduction doit être faite dans une ou plusieurs langues de l’Union, elle n’évoque pas de recours obligatoire à la langue anglaise. Le projet français ignore ces limites et, plus encore, il ne tient pas compte du Brexit qui a éloigné l’Angleterre de l’Union et par là même affaibli en son sein la position de la langue anglaise.
Nos zélateurs de l’anglais ont par ailleurs oublié que l’article 2 de la Constitution dit que « la langue de la République est le français ». En traduisant la totalité du document en anglais – titre et rubriques – les auteurs du projet ont mis à parité les deux langues, français et anglais, et relativisé le statut de la langue de la République, ce qui n’est guère conforme à l’esprit de la Constitution.
De surcroît, et c’est peut-être le plus grave, les auteurs de ce projet ont oublié que la langue française est le marqueur premier de l’identité française, et ce qui unit la collectivité des Français. « Ma patrie, c’est la langue française ». Cette phrase de Camus résume mieux que tout discours la fonction spirituelle et politique de la langue française. Ce lien entre langue et identité fut d’ailleurs à l’origine de la création en 1635 de l’Académie française, il explique qu’elle ouvre désormais ses portes à des écrivains venus de tous horizons, de toutes nationalités, mais qui ont fait le choix de la langue française pour s’exprimer et donc pour se définir. La carte d’identité, qui comme son intitulé l’indique est le témoin légal de notre identité, doit rendre compte du rapport privilégié de chacun d’entre nous à la langue française et ne peut donc relativiser ou minorer sa place. (…)
Vite, que l’on nous présente un autre projet et que cette invention fâcheuse disparaisse dans les oubliettes de l’histoire !