Au quotidien n°199 : de la guerre des classes à la guerre des races

Publié le 30 Avr 2021
Au quotidien n°199 : de la guerre des classes à la guerre des races L'Homme Nouveau

Le sociologue et essayiste Mathieu Bock-Côté vient de publier « La Révolution racialiste – et autres virus idéologiques » (Presses de la Cité), un ouvrage qui tombe à pic pour comprendre la folie qui s’empare de l’Europe. Dans le Figaro (30 avril 2021) Pascal Bruckner, de l’Académie Goncourt, salue cette publication.

À la manière d’un virus échappé d’un laboratoire, des concepts funestes sont en train de contaminer les médias, les universités en Europe après avoir mis la pensée K.-O. aux États-Unis. De quoi s’agit-il ? D’expliquer que l’homme blanc hétérosexuel, mais la femme blanche ne perd rien pour attendre, est, de par sa couleur de peau, raciste même quand il se croit antiraciste. « Devant le grand tribunal révolutionnaire de notre temps, l’homme blanc doit avouer ses crimes en pensée avant d’être intégré dans un nouvel espace public fondé sur la répudiation du monde d’avant. » Il avait mis la planète à genoux, il doit maintenant ramper et s’incliner devant toutes les minorités qui réclament justice. C’est évidemment l’expérience de l’esclavage et de la ségrégation qui a produit outre-Atlantique cette rhétorique folle qui s’apparente dans le « wokeism » (l’éveil) à une religion dégradée proche des revivals du protestantisme.

Mais le plus stupéfiant dans ce phénomène, c’est sa puissance de propagation depuis l’affaire George Floyd à laquelle le clan Traoré a tenté, non sans succès, de s’identifier, recevant la bénédiction de l’ancienne stalinienne Angela Davis. Les États-Unis sont devenus un modèle pour toute une frange d’influenceurs français, néoféministes, néoracistes, décoloniaux qui tentent de l’adapter à notre situation et militent activement pour la rééducation des peuples européens. Il suffit à ces derniers, en tant que blancs, de reconnaître publiquement leur infamie (…).

Toute la société doit être reconstruite, c’est-à-dire décolonisée : il faut déboulonner la statue des anciens oppresseurs, geste que Bock-Côté compare à raison au dynamitage des Bouddhas de Bamiyan et même la petite sirène à Copenhague est qualifiée de « poisson raciste » puisqu’elle est blanche ! Sans oublier la question du genre qui vise à abolir l’ancienne distinction du féminin et du masculin au profit du non binaire : l’écrivaine J. K. Rowlings a payé cher pour avoir osé soutenir qu’une femme n’est pas un homme et qu’il ne suffit pas de changer d’identité pour appartenir à un autre sexe.

L’essayiste prend au sérieux ses adversaires. Il étudie leurs textes. L’apport le plus original du livre est de montrer pourquoi l’idéologie racialiste se diffuse à la vitesse d’un feu de forêt. Ceux qui devraient s’y opposer ne la prennent pas toujours au sérieux, multiplient les concessions qu’ils croient sans importance (par exemple adopter la phraséologie que cherchent à imposer les activistes) sans mesurer qu’ils se préparent ainsi, à terme, à capituler. Cette révolution, de surcroît, est désormais promue par les plus grandes entreprises du capitalisme américain. Et les administrations fédérales elles-mêmes la traduisent parfois en politiques publiques.

Mathieu Bock-Côté remarque avec tristesse que la réception de ces théories délirantes prend sur les vieilles nations fatiguées d’Europe. Deux phénomènes expliquent l’infiltration du racialisme : d’abord l’effritement du sentiment patriotique. (…)Enfin les vagues migratoires répétées contribuent à la reconfiguration démographique de nos pays. (…)

Comme l’auteur le souligne, brandir les concepts d’« universel » ou de « république » ne suffira pas si on ne donne pas chair à la langue et à la civilisation françaises.

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