Au quotidien-n°21 (Revue de presse du confinement)

Publié le 18 Avr 2020
Au quotidien-n°21 (Revue de presse du confinement) L'Homme Nouveau

Chaque matin, la rédaction de L’Homme Nouveau vous propose une courte revue de presse, principalement axée sur la réflexion (sans dédaigner l’information pure). Nous ne cherchons pas d’abord à faire du clic, pour nourrir des statistiques et l’auto-satisfaction. Notre démarche est plus simple et repose sur une conviction presque simpliste : « demain se prépare aujourd’hui ». Dans ce sens, depuis des années, L’Homme Nouveau propose un regard différent, loin des clivages faciles dans le but d’offrir les outils conceptuels, les habitus de réflexion pour reconstruire une société humaine et chrétienne.

« Un monde s’effondre, une bataille commence » titre Politis (15 avril), tout en pointant les dangers du contrôle social et la reconfiguration mondiale qui vient :

C’est une tectonique géopolitique qu’a ébranlée le Covid-19. Et l’épicentre des déplacements se situe en Chine, à plus d’un titre. Berceau de la pandémie mondiale, déniant l’existence d’une menace grave pendant des semaines, le pays a d’abord joué le rôle de contre-modèle absolu. Cependant, les mesures très radicales adoptées ont vite montré leur efficacité et les regards ont changé. De même, la maîtrise exemplaire de la crise en Corée du Sud ou à Singapour a élevé au rang de valeurs positives le contrôle social massif et la poigne gouvernementale, voire l’autoritarisme dans le cas de la Chine. À l’opposé, les démocraties occidentales ont vu leurs faiblesses durement exacerbées. À commencer par une certaine désinvolture vis-à-vis de cette « grippette » extrême-orientale. (…) La Chine s’ébroue déjà après la première vague de contaminations. Pour autant, cet « avantage » sur la ligne de départ de la relance économique n’est peut-être pas si flagrant. Les salaires chinois sont désormais bien plus importants qu’en Asie du Sud-Est ou en Inde, et le pays n’est déjà plus tant cette compétitive « usine du monde ». La reprise pourrait encore accentuer la reconfiguration de circuits économiques de moins en moins laudateurs de la mondialisation. Plusieurs pays européens professent désormais leur volonté de « relocaliser » des secteurs clés de leur activité afin de les protéger des vicissitudes du commerce international.

« Plus jamais çà » ? Dans Le Point (16 avril), François-Guillaume Lorrain se montre sceptique :

Depuis quelques semaines, on sent monter un profond et sans doute sincère vent de réformisme. La pandémie a conduit à notre examen de minuit. Est-ce l’effet du confinement ? Fort de ces expériences inédites, on se promet, on jure même, tel un enfant pris en flagrant délit, que plus rien ne sera comme avant, qu’on va s’amender, renoncer à nos modes de vie anciens, à l’infâme mondialisation, qui auraient mené à cette catastrophe. La promesse est-elle inattendue ? Nullement. À l’image des individus lors du Nouvel An, l’humanité a souvent fait assaut de bonnes résolutions. « Plus jamais ça ! » On connaît la formule dont on se drape, la brandissant dans les cortèges, les manifestations, comme un bouclier. Mais à quel moment a-t-on commencé à invoquer cette sentence propitiatoire qui voudrait que du passé nous soyons vaccinés ? (…) De fait, c’est toute notre relation à l’Histoire qui a été récemment bouleversée. « Nous avons instauré un rapport préventif au passé », résume Sébastien Ledoux. La réponse à notre « présentisme » où nous vivons émotionnellement le nez collé au présent est ce congé tout aussi émotionnel, car indigné et réconfortant, d’un passé repoussoir censé opérer comme un vaccin. Parce que nous retiendrons ces fameuses leçons de l’Histoire, nous saurions en tirer les conséquences. Quelles seront les leçons de la pandémie ? Qui s’entendra sur elles ? L’Histoire n’étant plus perçue que sous le mode du traumatisme, n’est-elle pas condamnée, comme celui-ci, à se répéter, malgré les réflexes défensifs ? Certes, les vaccins, ces temps-ci, sont très recherchés. Mais il serait illusoire de penser qu’il en existerait un, miracle, qui nous immuniserait de nos erreurs et qui nous ferait croire que nous vivrons sinon dans le meilleur des mondes du moins dans un monde meilleur

Pour l’essayiste Paul-Marie Coûteaux, dans Valeurs actuelles (17 avril) la crise actuelle se joue sur fond d’opposition entre les Anciens et les Modernes :

Point crucial que les transhumanistes portent à l’incandescence : l’existentialisme d’abord latent, puis débridé des Modernes  (« tout se change, nul être, nul peuple, nulle chose n’a une identité propre ») assure que « tout est possible » — mot de Rimbaud qui fut le slogan de François Mitterrand lors de la présidentielle de 1974. Bref, aux ancestraux principes de l’économie se substitua une nouvelle règle d’or :  il ne s’agit plus d’optimiser, mais de maximiser. Mutation lente mais profonde, qui fit des prodiges en tous domaines, désenchantant le monde ancien au bénéficie d’un autre enchantement, aussi irrationnel, mais de plus en plus séduisant à mesure que les techniques multipliaient les prouesses : inventions, innovations, extension indéfinie de l’espace, droit de tous à tout etc. Le Nouveau Monde eut sa terre promise, les États-Unis, nation neuve si dépourvue de racines qu’elle devint sans peine maîtresse de l’univers, et que nous avons admiré et imité jusqu’à l’idolâtrie – la règle ne fut plus l’imitation de Jésus, mais l’imitation de JR. Il eut ses Jérusalem en chapelet, gigantesques métropoles prenant pour modèle la fabuleuse New-York, vertigineuse Babel aux gratte-ciels étincelants. (…) L’espèce de rappel à l’ordre que le virus opère dans la vie autrefois courante des Occidentaux coupe sèchement cette course trois fois séculaire. Soudain retenu chez lui, immobilisé, séparé, rendu à sa solitude ou à l’antique recueillement de la prière, guettant les signes d’un avenir redevenu incertain comme jadis les Anciens s’immobilisaient le soir sur le seuil de leurs maisons pour scruter les mystères de la voûte céleste, le Moderne confiné entrevoit enfin que, libéré de tout, il ne l’est pas de la condition humaine — et moins encore de l’humaine condition. (…) Limites, par dessus tout, des illusions de la mondialisation, celle du grand mélange des cultures qui finissait par abolir toutes les cultures, et jusqu’à l’idée même de culture ; celles du grand mélange des hommes qui les rendaient interchangeables et finalement jetables, celle de “l’intégration” quand s’avère au grand jour ce que jusqu’alors n’osaient dire que les “extrémistes” : qu’une large part des populations étrangères vivant sur notre sol n’entend obéir à nulle de nos lois, pas même dans l’urgence, (au point qu’il fallut les exempter des rigueurs prétendument universelles du confinement), beaucoup ne s’inquiétant que de rentrer “chez eux” et de pouvoir s’y faire enterrer. Une borne, enfin, à ce qu’on croyait omnipuissant, l’Etat, et ses services publics dont on voit partout, justement, les “limites”. Cadavres dont l’enchaînement des effets économiques va dérouler dans les prochaines années l’inattendu chapelet…  

La Revue de presse de L’Homme Nouveau ne se contente pas de proposer des informations éphémères, mais vous offre aussi de découvrir des réflexions. Elle est là pour nous inviter à réfléchir. En ce sens, elle ne perd (presque) rien de son actualité. Elle se lit et se relit.

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