Au quotidien-n°22 (Revue de presse du confinement)

Publié le 20 Avr 2020
Au quotidien-n°22 (Revue de presse du confinement) L'Homme Nouveau

Chaque matin, la rédaction de L’Homme Nouveau vous propose une courte revue de presse, principalement axée sur la réflexion (sans dédaigner l’information pure). Nous ne cherchons pas d’abord à faire du clic, pour nourrir des statistiques et l’auto-satisfaction. Notre démarche est plus simple et repose sur une conviction presque simpliste : « demain se prépare aujourd’hui ». Dans ce sens, depuis des années, L’Homme Nouveau propose un regard différent, loin des clivages faciles dans le but d’offrir les outils conceptuels, les habitus de réflexion pour reconstruire une société humaine et chrétienne.

« Plus rien ne sera-t-il vraiment comme avant ? Il est permis d’en douter » affirme Eric Zemmour, dans sa chronique du Figaro Magazine (17 avril)

Plus rien ne sera comme avant. Sans doute parce qu’Emmanuel Macron a déclaré « la guerre » au coronavirus, on entend déjà cette chanson. Le Président lui-même y va de sa contrition personnelle. L’apôtre de la mondialisation, de l’Europe et de l’individu a dû exalter la nation, la souveraineté, l’État. L’homme des métropoles, des start-upers, a dû faire l’éloge des infirmières, ­médecins, mais aussi caissières ou chauffeurs routiers. Lui qui déclarait qu’il « n’y avait pas d’argent magique » face aux récriminations du personnel hospitalier annonce désormais un grand plan d’investissements pour la santé. Mais cette apostasie ira-t-elle au-delà des mots ?

Rien n’est moins sûr. (…) Macron n’a pas renoncé à son idéologie européiste ; on l’a vu avec ses efforts en faveur des coronabonds rejetés par les Néerlandais. À son refus obstiné de fermer les frontières nationales – au contraire de celles de la zone Schengen – comme si les Italiens étaient moins malades que les Coréens. La Commission de Bruxelles, elle, n’a pas renoncé à son idéologie libre-échangiste : pendant la crise, elle s’occupait avant tout d’élargir l’Union à de nouveaux États balkaniques. Et elle n’a pas l’intention de démanteler les accords de libre-échange conclus avec le Canada, l’Amérique du Sud ou le Japon. Si l’Afrique était touchée par l’épidémie, comment résisterions-nous à une éventuelle invasion migratoire ?

Dans Le Journal du dimanche (18 avril), Jean-Marie Peuch, Président de l’Union des syndicats de grossistes du Marché de Rungis lance un véritable cri d’alarme :

La crise engendrée par le Covid-19 met sérieusement en danger le modèle unique d’approvisionnement en produits frais que constitue le Marché de Rungis. C’est la qualité de l’alimentation de millions de consommateurs qui est aujourd’hui en jeu. De par notre position, au carrefour de la production et de la distribution, nous opérateurs du Marché faisons désormais ce constat alarmant : notre patrimoine alimentaire est menacé. Il faut réagir vite pour le préserver. Conséquence du confinement, la fermeture de nombreux débouchés que sont les marchés, restaurants et traiteurs, déséquilibre nos terroirs. Ils ne peuvent plus écouler pleinement leur production. Dans le même temps, certains secteurs agricoles se heurtent eux à des difficultés pour recruter.

Même type d’écho de la part de l’historien Pierre Vermeren dans une tribune publiée par le Figaro (20 avril), prenant acte du déclassement de la France :

Le sentiment de déclassement de nombreux Français masquait une vérité que peu voulaient connaître: la cinquième ou sixième puissance économique mondiale est un pays déclassé. L’ancienne première puissance politique, économique, militaire et démographique occidentale (selon les domaines entre les XVIIe et XIXe siècles) est devenue une puissance moyenne. Soit. Mais la promesse faite aux Français d’un État protecteur, éducateur, visionnaire et architecte, en un mot stratège, dont les premières dépenses publiques au monde sont acceptées du fait de notre contrat social, est rabaissée au rang de gestionnaire endetté et dépassé. Si la tiers-mondisation parfois dénoncée est excessive, la France est revenue à sa condition de pays méditerranéen aux côtés de ses sœurs latines, l’Espagne et l’Italie, littéralement fauchées par la crise du coronavirus.

De François Ier à Charles de Gaulle, quelques séquences douloureuses mises à part, la France a longtemps échappé à sa condition: en s’appuyant sur le plus riche terroir d’Europe, de grands dirigeants ont sublimé la nation grâce au pouvoir d’attraction universel de Paris et, un temps, de Versailles: écrivains, intelligences, théologiens, artistes, beaux esprits et belles femmes avaient rendez-vous à Paris. Pour soutenir son rang, l’État dirigeait sous la Révolution et l’Empire la première armée d’Europe, puis bénéficiait d’une industrie à la pointe de la technologie mondiale. Si l’Angleterre a inventé l’industrialisation, lorsque éclôt la deuxième révolution industrielle, au tournant du XIXe siècle, la France mène le bal du progrès technique: automobile (Renault), aviation (Ader), électricité (Bergès), cinéma (frères Lumière), armement (pneumatique, turbine à vapeur, camion), chimie (Pasteur), on fera grâce de la bicyclette et du soutien-gorge! Puis, d’une guerre à l’autre, le leadership politique et l’attractivité ont basculé vers l’Angleterre et les États-Unis, qui ont attiré les talents. La translation a été lente, car la France est le grand vainqueur de 14-18. Mais elle en sort si affaiblie dans sa chair que son abaissement est inéluctable, ce qui conduit à 1940. L’Allemagne, à défaut d’imposer son empire militaire, s’est ensuite emparée du leadership industriel dans les années 1970, quand la France a commencé à sacrifier par pans entiers son industrie. Puis l’Allemagne a été rejointe par l’Asie orientale, qui devait se substituer aux rétractions industrielles conjointes de la France, du Royaume-Uni et de l’Amérique.

La Revue de presse de L’Homme Nouveau ne se contente pas de proposer des informations éphémères, mais vous offre aussi de découvrir des réflexions. Elle est là pour nous inviter à réfléchir. En ce sens, elle ne perd (presque) rien de son actualité. Elle se lit et se relit.

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