Les chiffres sont des indicateurs mais ne disent pas tout. Nous le savons tous, mais les statistiques continuent de nous impressionner comme le souligne un article de Marianne (4 juin 2021).
Il y a trois sortes de mensonges : les mensonges, les sacrés mensonges et les statistiques. » Ce mot de l’écrivain américain Mark Twain, bien qu’impertinent, illustre le climat de défiance autour des chiffres. Si les statistiques ne sont pas les ennemies du débat public, la place qu’elles y occupent aujourd’hui est sujette à caution. Parce que, désormais, les chiffres font autorité. Ce qui devrait être un indicateur parmi d’autres est devenu une preuve irréfutable. Et les projections deviennent des prédictions. (…)
Dans la famille des chiffres, les extrapolations statistiques, c’est-à-dire les estimations, constituent un piège. Leur production a beau souffrir d’un manque de justesse scientifique, il n’en demeure pas moins que ces projections sont reprises par les médias, les institutions, les politiques. (…)
« Beaucoup de chiffres circulent dans la société, bien plus qu’auparavant, du fait des outils technologiques et des nombreuses données, sans que circule pour autant leur définition, comment ils ont été calculés et pourquoi », regrette Arthur Jatteau. L’auteur de Faire preuve par le chiffre ? (éditions IGPDE, janvier 2021) et de Sociologie de la quantification (La Découverte, juin 2021) résume : « Il faut discuter non pas des chiffres, mais des choix opérés derrière eux qui sont à l’origine de leur construction. »
L’épreuve du contradictoire apparaît particulièrement complexe, voire impossible. Le risque, à terme, est de subordonner la vérité à des intérêts politiques ou idéologiques. « Une fois qu’un chiffre est admis comme repère, c’est celui qui le conteste qui est accusé des pires intentions », observe Philippe d’Iribarne. Ainsi, la discussion est confisquée par ces chiffres. Et plus un indicateur est populaire, moins celui-ci sera interrogé. « Je refuse de dire que les chiffres ne veulent rien dire, cependant il est essentiel de laisser place à d’autres modalités de preuve », insiste Arthur Jatteau. Le match « chiffres » versus « parole » est loin d’être terminé…