Spécialiste de l’Allemagne, l’historien Johann Chapoutot s’est exprimé sur Médiapart (24 avril) à propos de la différence de gestion de la pandémie en Allemagne et en France :
les Allemands, c’est-à-dire le gouvernement fédéral mais aussi les exécutifs régionaux des Länder, ont fait de la médecine. Ils ont fait ce que la médecine prescrit en cas de pandémie. Non pas un confinement de masse, qui n’a pas eu lieu en tant que tel en Allemagne, mais du dépistage : des tests systématiques ont été pratiqués en cas de symptômes légers ou graves, et les personnes malades ont été isolées et traitées. Pourquoi l’Allemagne l’a fait, et pas la France ? Parce que l’Allemagne a les capacités industrielles de produire des tests. Les tests les plus rapides ont été élaborés par des scientifiques et industriels allemands, dès la fin du mois de janvier. Et la production a été possible grâce aux capacités de production dans le pays : alors que la France a connu une désindustrialisation de masse, il persiste en Allemagne un tissu industriel de PME, qui a été sacrifié en France. L’Allemagne a donc fait, dès fin janvier, ce que l’on nous promet de faire en France après le 11 mai : dépister, isoler et traiter. Sachant que l’on n’est même pas sûr, en France, de pouvoir le faire.
La Tribune de Mgr Pascal Wintzer, archevêque de Poitiers, publiée sur le site de La Croix (26 avril) souligne la réalité de ce qu’est l’Église tout en montrant ses difficultés face la prétendu « neutralité » d’un État laïc :
Il ne revient certes pas à l’État de prendre en compte chacun des cultes et ce qui lui est propre, cependant, j’espère que les catholiques savent mesurer que ce ne sont pas les décisions publiques qui définissent la nature de leur Église ; il m’arrive parfois de m’interroger sur ce point : si chaque citoyen – et les catholiques sont de ceux-ci – est soumis aux lois du pays dans lequel il réside, pour autant que ces lois garantissent la justice et la liberté, il ne peut abdiquer son jugement de conscience et estimer que ce qu’il est, ses convictions, son appartenance religieuse, ne sont pas totalement honorés par telle loi, telle décision, telle circulaire. Et pourtant il respecte ces lois. (…) L’Église catholique est affectée profondément par les conditions d’isolement qui sont imposées, dans cette juste finalité bien entendu de freiner la propagation du virus et de ne pas submerger les services hospitaliers. L’absence de liturgie blesse l’identité même de l’Église catholique, il ne m’appartient pas de parler pour les autres Églises chrétiennes. En effet, ce qui engendre l’Église et la fait vivre, ce sont les sacrements. (…) Certes, nourris aussi de la Parole, de l’Écriture sainte, mais celle-ci ne saurait aller sans la vie sacramentelle, eucharistique avant tout. Il est bon de lire l’Écriture, il est bon de prier seul et en famille, mais comment avancer sans le pain de la route ? (…) La laïcité ne permet pas de prendre en compte cette originalité de l’Église catholique, comme certainement ce qui est propre aux autres cultes ; et le jacobinisme suppose une Église nationale, qui n’existe pas, seules existent les Églises locales, diocésaines. Puisque l’État ne reconnaît aucun culte, il est de mon rôle de rappeler aux catholiques quels ils sont.
Autre réaction, rapportée par Présent (24 avril), celle de Mgr Le Gall, archevêque de Toulouse :
On profite de cette crise pour remettre en question la liberté de culte », protestait l’abbé de Maistre après la scandaleuse intrusion dimanche de flics armés dans son église (voir Présent du 24 avril). Et il est vrai que, au moment où le gouvernement s’apprête à rouvrir les écoles ainsi que de nombreux autres lieux publics, l’obstination de Macron à maintenir l’interdiction des messes jusqu’à la mi-juin est des plus suspectes. Au point que certains évêques, rompant avec leur habituelle réserve, n’hésitent plus à manifester leur mécontentement face à cette injustice criante. (…) Mais la réaction la plus vive est venue de Mgr Le Gall, archevêque de Toulouse, qui, dans un entretien accordé à France Bleu, n’a pas mâché ses mots. En effet, a-t-il expliqué, la décision du président « [l]’inquiète beaucoup », car « [il entend] les réactions autour de [lui] des prêtres et des fidèles qui trouvent cela tout à fait anormal. […] Ils ont besoin des sacrements, de la communion au corps et au sang du Christ à la messe ». Et Mgr Le Gall de poursuivre : « Depuis un mois, nous avons joué le jeu du confinement », aussi, « entendre aujourd’hui que nous devons être privés de culte pendant deux mois et demi encore, c’est difficile ». Surtout quand, au même moment, « les gens peuvent aller au McDonald’s » ! On ajoutera que cette obstination de Macron est d’autant plus suspecte qu’elle intervient après des semaines durant lesquelles on aura vu la police fermer les yeux sur le non-respect du confinement dans les banlieues, mais surveiller en revanche de près les églises, comme l’ont prouvé le rappel à loi (injustifié) d’un prêtre isérois en mars, l’hystérie politico-médiatique déclenché par la prétendue « messe clandestine » de Saint-Nicolas-du-Chardonnet (voir Présent du 15 avril) ou encore la profanation dimanche de l’église Saint-André-de-l’Europe par la police.
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