Vingt ans après son lancement, l’euro interroge toujours. Valeurs actuelles (6 janvier 2022) en profite pour faire le point sur la monnaie européenne, les implications pour le panier de la ménagère et celui des États.
Les Français se sentent-ils aujourd’hui rassurés ? Les jeunes ne se posent pas la question, ils n’ont pas connu le franc. Pour les plus âgés, la réponse est plus subtile, comme en témoigne un sondage réalisé par YouGov pour le compte du site MoneyVox. Ainsi, plus d’un Français sur deux convertirait ses achats en francs : « Seuls 5 % des Français interrogés font “toujours” le calcul. Mais 13 % le font “souvent” et 33 % “parfois”, probablement pour de plus gros achats, histoire de faire une comparaison avec d’importants achats passés », explique MoneyVox. Sans doute parce qu’ils ont l’impression d’avoir perdu en pouvoir d’achat.
Le mot est lâché. Auraient-ils pensé un jour payer plus de 11 francs pour un litre d’essence (celui de super valait 6,88 francs fin 2001) ? Qui aurait anticipé un tel rattrapage des prix sur le café au comptoir, qui vaut aujourd’hui 2 euros (il valait 5 francs en 2000), ou sur la baguette ordinaire à 1 euro (contre 4 francs) ? Si un plat vaut plus de 30 euros dans un restaurant parisien, il était rare de payer 200 francs pour un repas complet à la fin des années 1990.
Beaucoup pensent que l’euro – devenu au fil des ans une source de méfiance (notamment après la crise grecque de 2008, euro et zone euro étant mis dans le même panier) – est responsable de la hausse des prix ou, pis, que la devise européenne s’est transformée en une belle arnaque. La réponse n’est pas si simple que cela. Déjà parce qu’il y a de nombreuses composantes dans l’évolution des prix. Certaines dépendent de l’offre et de la demande (coûts des matières premières, de l’énergie… ), d’autres, de changements arbitraires (charges sociales, taxes… ). Sans oublier une composante psychologique : on compare les prix d’aujourd’hui avec ceux d’hier, mais sans tenir compte de l’inflation sur la période. En revanche, seule certitude, pas mal de commerçants ont profité du passage à l’euro pour augmenter un peu leurs prix, souvent du fameux arrondi à l’euro supérieur.
En 2017, l’Insee jugeait que l’euro ne s’était pas accompagné d’une hausse des prix autre que celle liée à l’inflation. (…)
L’Institut reconnaît quand même « des divergences accrues entre mesure et perception de l’inflation » : son calcul se fait sur la base de l’évolution du prix d’un panier de consommation quand les Français se focaliseraient sur les variations de leur structure budgétaire. Par ailleurs, « les ménages accorderaient plus d’importance aux prix en hausse qu’aux prix en baisse ou stables car ce sont les premiers qui peuvent constituer une menace pour l’équilibre de leur budget », considère l’Insee. Certes, les produits électro-ménagers blancs (réfrigérateur, machine à laver… ) et bruns (hi-fi, télévision… ) ont vu leurs prix diminuer, ce qui a permis aux Français de gagner en pouvoir d’achat. (…) En fait, les plus grands gagnants de l’euro sont les pays dits cigales, la France en tête. La devise européenne leur a servi de bouclier protecteur leur permettant de dépenser toujours plus, protégés par la rigueur des pays dits frugaux, à l’instar de l’Allemagne. La France est le cinquième pays de la zone avec le ratio dette/PIB le plus dégradé (114,6 % du PIB à la fin du deuxième trimestre, selon Eurostat), derrière la Grèce, l’Italie, le Portugal et l’Espagne. À l’inverse, dix pays conservent une dette au-dessous des 70 % de leur PIB, grâce à leur rigueur budgétaire. Ce sont ces pays qui font de l’euro une monnaie forte, qui bénéficie de la confiance des marchés et donc de taux bas.