À en croire le site de L’Express (6 mai), l’Institut Montaigne, laboratoire d’idées libéral n’a rien trouvé de mieux pour relancer l’économie que de proposer la suppression d’un jour férié. Mais pas n’importe lequel :
L’Institut Montaigne ne préconise pas un retour généralisé aux 39 heures, mais propose la suppression d’un jour férié et de la première semaine des vacances scolaires de la Toussaint .Dans une note publiée ce mercredi, le centre de réflexion libéral avance des pistes pour relancer l’économie française et rouvre le débat sur le temps de travail. L’Institut Montaigne ne préconise pas un retour généralisé aux 39 heures, mais propose la suppression d’un jour férié, à partir de l’an prochain : celui de l’Ascension. Il propose également la formation en dehors du temps de travail du salarié, avec son accord. Une autre mesure évoquée, qui fera certainement grincer des dents : supprimer la première semaine des vacances scolaires de la Toussaint afin de rattraper le retard accumulé durant le printemps.
C’est ce qui est bien avec les libéraux, ils ont toujours les bonnes idées pour détricoter l’héritage chrétien de la France, capital immatériel qui échappe à leurs observations. Quitte à supprimer un jour férié, pourquoi ne pas supprimer le 8 mai ? Quand la fête du 8 mai est instituée en 1946, il est prévu qu’elle sera célébrée le dimanche le plus près du 8 mai. En 1951, le gouvernement décide de commémorer la fin de la Seconde Guerre mondiale sans attendre le dimanche le plus proche, le 8 mai tombant cette année-là un mardi. En avril 1959, le gouvernement du gaulliste Michel Debré supprime le caractère férié du 8 mai en raison de la multiplication des jours fériés en mai. Le Président Giscard d’Estaing décide, lui, de ne plus célébrer la victoire de 1945 pour des raisons d’entente européenne. Sa décision est aussitôt saluée par Walter Scheel, président allemand. L’élection de François Mitterrand en 1981 entraîne, après un vote de l’assemblée nationale, le rétablissement du caractère férié du 8 mai. Une décision d’un gouvernement socialiste qui devrait déplaire pourtant aux libéraux de l’Institut Montaigne…
La gauche, elle, se prépare à la lutte, voyant même, à lire Politis (29 avril), advenir un choc de civilisation entre les capitalistes et… les autres :
Il peut sembler hasardeux de parler d’avenir quand le présent est aussi mal assuré. Nous en sommes aujourd’hui à chercher le moindre masque pour nous risquer dans les transports publics, et à brûler des cierges de mécréants pour que la rentrée scolaire se fasse sans trop de douleurs. Mais, en dépit de nos inquiétudes du moment, il n’est pas trop tôt pour penser un avenir à la fois proche et lointain. L’opposition entre santé et économie, confinement et reprise, est moins manichéenne qu’il y paraît. Quel désastre sanitaire annoncent en effet les terribles chiffres du chômage publiés lundi ? Quel sort notre société va-t-elle réserver aux 246 000 chômeurs supplémentaires recensés au mois de mars, et aux 460 000 autres annoncés pour la mi-mai ? « Économie » n’est pas un gros mot. Le tout est de savoir de quelle économie nous parlons. Celle qui, au nom du productivisme et d’une croissance aveugle, fera les morts de demain, ou une économie qui peut, dès aujourd’hui, créer des emplois dans le cadre d’une indispensable transition écologique ? C’est maintenant que la question nous est posée. Les hostilités ont d’ailleurs été ouvertes sans ménagement par le président du Medef. À l’entendre, on devine qu’il ne s’agira pas seulement d’un conflit social classique. Si j’osais employer une expression qui appartient à un autre univers politique, je dirais qu’il y a du « choc des civilisations » dans ce qui nous attend. Les enjeux sont gigantesques et globaux. Et les visions du monde diamétralement opposées. Nous allons à la fois devoir faire face à une tempête sociale, et à une offensive anti-environnementale qui peut hypothéquer l’avenir des générations futures. (…) Le gouvernement ne pourra pas non plus oublier ses promesses de relocalisation des médicaments et autres produits sanitaires qu’il devra désormais tenir à disposition en attendant la prochaine crise. Cette relocalisation pose évidemment la question européenne. La souveraineté ne pourra pas être « nationale » en toute chose. Il faudra aussi revenir « quoi qu’il en coûte » sur le concept de Chine « usine du monde ». On ne gagne rien à se placer dans la dépendance d’un pouvoir autoritaire. Plus généralement, c’est ce qu’on appelle la mondialisation de la chaîne de valeur qui doit être remise en cause. Cette façon que les industriels ont d’éparpiller comme un puzzle les pièces de leur production pour aller à la main d’œuvre la moins chère. Mais toutes ces questions ne peuvent être abordées de façon séparée. Le sociologue Edgar Morin a raison de noter que la singularité de cette crise est son caractère global : « Tout ce qui semblait séparé est relié, puisqu’une catastrophe sanitaire catastrophise en chaîne la totalité de tout ce qui est humain ». Nous sommes donc bien devant des choix de civilisation. Mais de tels antagonismes ne se résolvent pas dans la concorde et par esprit de compromis. Ils sont le prélude à une ère de combats vitaux. L’ennui dans cette affaire, c’est que l’on connaît très bien les acteurs du camp d’une relance antisociale et anti-environnementale, mais on voit beaucoup moins le camp d’en face.
Ce que Politis appelle un « pouvoir autoritaire » en parlant de la Chine est en fait un pouvoir (de gauche) communiste qui a récupéré l’efficacité libérale à son profit, celui du « parti-État ».
Désenchantement du côté de la gauche bobo. Dans son éditorial de L’Obs (30 avril), Pascal Riché fait le constat « du tout change pour que rien ne change ». Entre nous, on s’en doutait…
Le nombre de malades du coronavirus passe pour la première fois au-dessous du nombre de personnalités ayant rédigé une tribune sur « le monde d’après » (source : OMS). Repérée sur les réseaux sociaux, cette blague tourne en dérision la frénésie tant statisticienne qu’éditoriale du moment. Elle en dit long aussi, hélas, sur les désillusions actuelles. Au début du confinement, l’on se prenait à imaginer un monde nouveau, plus écologique, plus solidaire. Puis est venue la crise économique, d’une violence inouïe, et le puissant « vieux monde » a repris le dessus. (…) Il est chimérique de croire que le microbe, en enrayant la machine productiviste, va en corriger de lui-même les dysfonctionnements. Sa vertu aura été d’avoir démontré la solidarité des hommes et leur capacité à changer rapidement de comportement face à un danger imminent et collectif.
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