Au quotidien-n°5 (Revue de presse du confinement)

Publié le 27 Mar 2020
Au quotidien-n°5 (Revue de presse du confinement) L'Homme Nouveau

Chaque matin, la rédaction de L’Homme Nouveau vous propose une courte revue de presse, principalement axée sur la réflexion (sans dédaigner l’information pure). Nous ne cherchons pas d’abord à faire du clic, pour nourrir des statistiques et l’auto-satisfaction. Notre démarche est plus simple et repose sur une conviction presque simpliste : « demain se prépare aujourd’hui ». Dans ce sens, depuis des années, L’Homme Nouveau propose un regard différent, loin des clivages faciles dans le but d’offrir les outils conceptuels, les habitus de réflexion pour reconstruire une société humaine et chrétienne. 

La crise dans laquelle nous sommes plongés pousse à la réflexion. Dans le Figaro (26 mars), Marcel Gauchet, répondant aux questions d’Alexandre Devecchio, espère que le moment présent sera l’occasion d’un vrai bilan et et d’un réveil collectif.

Sommes-nous réellement toujours parmi les meilleurs du monde? Nous l’avons été, mais nous ne le sommes probablement plus. Entendons-nous: nous bénéficions d’un acquis historique formidable, et si on prend pour point de comparaison les pays du Sud les plus démunis, nous figurons toujours parmi les ultraprivilégiés. Mais c’est la tendance globale qu’il faut envisager. Nous disposons d’établissements de pointe qui sont au meilleur niveau mondial. Mais cette brillante zone d’excellence (qui est celle que fréquentent nos élites) cache un tableau d’ensemble moins reluisant. (…) L’État dit «régalien» maigrit, tandis que l’État social grossit. C’est en fonction de cette donnée qu’on peut répondre à votre question. L’étatisme est au service du libéralisme. Ces dépenses sociales sont le prix à payer pour l’acceptation de la politique libérale. Ses dégâts sont compensés tant bien que mal par ce cataplasme social. Les prélèvements obligatoires sont l’antalgique des inégalités créées par la loi du marché. C’est un cas de figure unique dans les annales: le mélange du libéralisme des élites et de l’étatisme du peuple nous vaut un record du monde de la dépense publique. (…)L’anticipation de la menace n’existe quasiment plus dans la conscience européenne. C’est en un sens notre privilège et cela se révèle une énorme faiblesse dans une situation comme celle-ci. La paix et la prospérité, jointes au court-termisme de la performance économique, ont évacué la dimension stratégique de l’existence politique. L’accroissement des droits individuels et des moyens matériels de chacun est devenu le seul horizon concevable. En cela, les élites ne font que répercuter l’état d’esprit des peuples. C’est d’un réveil collectif dont il s’agit.

L’économie du pays souffre. Pourtant, c’est au nom de l’économie que les décisions les plus urgentes n’ont pas été prises. Pour sauver l’économie, on a tué le pays qui a entraîné avec lui la mort de l’économie. C’est à peu près le constat que dresse l’hebdomadaire de gauche Politis :

Des voix autorisées sont ainsi venues, soir après soir, nous expliquer, au nom de la transparence, pourquoi le masque n’était pas indispensable, et le test à grande échelle inutile. Nous découvrons à présent que c’est tout le contraire. Il aurait fallu, comme en Corée, tester massivement. Et il faudrait de toute urgence, quand ce n’est pas déjà trop tard, équiper le personnel médical de masques. On connaissait la raison d’État. Voici la raison de gouvernement, plus petite et sans noblesse. Et pourquoi ? Précisément parce que dire la vérité, ce serait dérouler tout l’écheveau d’un système qui substitue l’économie au bien public. Ce serait une remise en cause vertigineuse d’une société qui va pourtant devoir se repenser sur d’autres bases. Bourdieu jugeait que la construction de l’homme économique est la question fondamentale de la société contemporaine. Il n’a jamais eu autant raison qu’en ces journées dramatiques. Le retard pris ensuite dans les prises de décision de confinement, les injonctions contradictoires ne sont que les sous-produits de la même logique. Il faut faire fonctionner l’économie.

Cette fois, la bonne nouvelle et la méthodologie anti-virus ne viennent pas de Corée du Sud, mais d’Allemagne, comme l’explique Challenges :

L’Allemagne a augmenté le nombre des dépistages du Covid-19 à 500.000 par semaine, cette détection précoce aidant en partie à maintenir le nombre des morts à un niveau relativement bas, a déclaré un virologue jeudi. « La raison pour laquelle l’Allemagne compte si peu de décès par rapport au nombre des personnes infectées peut s’expliquer par le fait que nous faisons beaucoup de diagnostics en laboratoire », a expliqué au cours d’une conférence de presse Christian Drosten, le chef du département virologie à l’hôpital de la Charité à Berlin. « Nous effectuons un demi-million de tests chaque semaine en Allemagne », a-t-il précisé. L’Allemagne, pourtant fortement touchée par la pandémie provoquée par le nouveau coronavirus avec actuellement officiellement 36.508 cas répertoriés, ne compte en revanche que 198 morts de la maladie. De fait, ce pays connaît l’un des taux de mortalité des personnes souffrant du Covid-19 les plus faibles du monde avec 0,5% alors qu’il atteint 5,2% en France et 7% en Espagne par exemple.

Nos précédentes Revue de presse de la semaine :

Au quotidien-n°1

Au quotidien-n°2

Au quotidien-n°3

Au quotidien-n°4

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