Au quotidien-n°7 (Revue de presse du confinement)

Publié le 30 Mar 2020
Au quotidien-n°7 (Revue de presse du confinement) L'Homme Nouveau

Parmi les œuvres cinématographiques qui sont regardées à nouveau aujourd’hui, il y a Don Camillo. Notamment pour cet épisode où le prêtre en pleine inondation s’adresse par haut-parleurs à ses ouailles. Sur le blogue Je suis Français, on peut lire cette analyse de Pierre Builly :

Regarder aujourd’hui Le petit monde de Don Camillo avec attention et œil bienveillant et critique, – alors qu’on a vu le film dix fois, lors de sa sortie, mais aussi, un peu distraitement sans doute lors d’un de ses multiples passages télévisés – se pencher sur cet immense succès public, c’est un peu comme relire en adulte un bouquin formidable qui avait enthousiasmé l’enfant qui l’avait découvert. (…) On pourrait gloser des heures durant sur les raisons profondes du succès extraordinaire rencontré par la série (dont, il est vrai, les deux, voire les trois derniers épisodes peuvent aisément être oubliés) : ce n’est pas une Italie de carte postale qui est mise en scène, une Italie touristique qui, à coup de Venise, Rome, Florence ou Naples aurait pu séduire par son bel exotisme ; c’est la plaine du Pô, plate et un peu triste, perdue de brouillard ; c’est un récit dont l’histoire d’amour (entre Vera Talchi et Franco Interlenghi) est tout à fait secondaire et parfaitement symbolique ; c’est un conflit entre un prêtre solide irascible et un maire communiste coléreux et bon comme le pain, ce qui n’en fait pas précisément des héros glamorous ; c’est un film généreux, souriant, marqué d’un christianisme social essentiel, ce qui pouvait étonner dans le climat de Guerre froide qui prévalait. Oh, certes Guareschi ne tient pas la balance égale entre les deux camps ; j’ai lu ici et là qu’il était clairement monarchiste et considérait (comme, je crois, beaucoup d’historiens sérieux) que le referendum de juin 46 qui fit pencher la balance pour la République avait été honteusement truqué. La balance n’est pas égale, et c’est toujours Don Camillo qui a le dernier mot, malgré quelques retours de bâton ; on pourrait voir, d’ailleurs, dans le tutoiement qu’il emploie envers Peppone, alors que celui-ci le vouvoie un signe majuscule de cette évidence. C’est sûrement pour cela que leur confrontation fonctionne si bien, d’autant qu’elle est observée, du haut de sa croix, par un Christ bienveillant et drôle, toujours prêt à instaurer la distanciation nécessaire et de rabattre le fort caquet de son flamboyant serviteur Camillo, qui s’indigne de tout, mais avant tout de l’égoïsme de ceux qui ont beaucoup reçu et ne veulent rien donner.

Alors que la famille se révèle une fois de plus la « valeur » refuge dans la crise que nous traversons, le droit des familles consacre davantage encore l’explosion de la cellule familiale au profit d’une conception individualiste. Après « on a marché sur la lune », c’est « on marche sur la tête », comme le montre cet entretien avec Nathalie Couzigou-Suhas, notaire à Paris et chargée d’enseignement à l’Ecole nationale de la magistrature, paru sur le site du Journal du Dimanche (29 mars) :

Nous avons assisté ces quinze dernières années, au nom du libéralisme et dans un souci d’économie de moyens judiciaires, à un désengagement des pouvoirs publics. On assiste à une déjudiciarisation du droit de la famille, afin de le bouter hors des tribunaux, qu’on le déplore ou que l’on s’en réjouisse. L’individu a désormais plus de pouvoir, il a la possibilité de prendre en main sa destinée, et la justice s’en trouve désengorgée, notamment par une volonté de déploiement des modes alternatifs de règlement des conflits, comme la médiation. Nous traitons dans nos offices de nombreux sujets familiaux de manière plus rapide et plus contractuelle. C’est une libéralisation du droit de la famille, une révolution! (…) Dans le cas du divorce : depuis sa réforme, je reçois 400 actes « secs » par an, c’est-à-dire envoyés par courrier. C’est considérable! La famille est en quelque sorte « privatisée », les couples sont maîtres de leurs décisions. Le divorce par consentement mutuel existe depuis 1975, mais la vérification par le juge aux affaires familiales de la préservation de l’intérêt de la famille était quand même nécessaire, avec deux passages au tribunal et un délai de trois mois de réflexion. En 2004, un seul passage suffisait, et la loi de modernisation de 2016 a révolutionné le processus : le divorce par acte d’avocat est déposé au rang des minutes du notaire qui enregistre la convention après avoir vérifié les mentions requises. C’est un pas de géant dans le changement de psychologie du législateur, avec un divorce désormais libéralisé, déjudiciarisé et des relations familiales qui se contractualisent.

Allons-nous vers l’euthanasie sous prétexte de lutte contre l’épidémie ? C’est l’inquiétude du quotidien Présent (26 mars) :

Quand le débat porte non pas sur l’attribution d’un masque mais sur le droit à être intubé, ventilé, et sauvé, ou condamné à mort, « dans la dignité », certes, on voit alors la dérive : des règles écrites, ouvrant la voie à l’euthanasie. Car dans ces questions sociétales, seul le premier pas compte. L’avortement en cas de détresse (loi Veil) aboutit à l’avortement en tant que droit pour tous, et le PACS finit en mariage. (…) Le danger est d’édicter des règles auxquelles les médecins seraient tenus de se conformer. Dans La Vie, le père OlivierBonnewijn rappelle : « On ne traite pas une personne comme un animal ni comme un objet. » Or, introduire et codifier la notion de tri, c’est tout simplement chosifier les êtres humains. Pour l’heure, les médecins n’osent imaginer une telle évolution : « Ce serait catastrophique de devoir en arriver à trier des personnes », s’indigne le directeur général de la Santé, le très médiatisé docteur Salomon. Mais, déjà, le ministre Véran considère que la question pourrait se poser, et Le Monde dit avoir eu connaissance d’un document du ministère de la Santé consacré à la priorisation de l’accès aux soins dans le contexte actuel.

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