Au quotidien n°77

Publié le 30 Juin 2020
Au quotidien n°77 L'Homme Nouveau

Chaque matin, la rédaction de L’Homme Nouveau vous propose une courte revue de presse, principalement axée sur la réflexion (sans dédaigner l’information pure). Nous ne cherchons pas d’abord à faire du clic, pour nourrir des statistiques et l’auto-satisfaction. Notre démarche est plus simple et repose sur une conviction presque simpliste : « demain se prépare aujourd’hui ». Dans ce sens, depuis des années, L’Homme Nouveau propose un regard différent, loin des clivages faciles dans le but d’offrir les outils conceptuels, les habitus de réflexion pour reconstruire une société humaine et chrétienne. cette Revue de presse ne se contente pas de proposer des informations éphémères, mais vous offre aussi de découvrir des réflexions. Elle est là pour nous inviter à réfléchir. Elle ne perd donc (presque) rien de son actualité. Elle se lit et se relit.

Pour les absolutistes de la démocratie, le tirage au sort, mis en application pour la Convention citoyenne, serait à la fois un moyen d’éviter le populisme et un héritage de la démocratie athénienne. L’historien Stéphane Ratti remet dans le Figaro (29 juin) les pendules à l’heure :

La « Convention citoyenne pour le climat » et d’autres tentatives de démocratie directe fondées sur le tirage au sort dans la France d’aujourd’hui cherchent à satisfaire l’appétit de nos concitoyens pour un renouvellement des formes de représentation. On doit, à ce propos, s’interroger sur un postulat parfaitement discutable qui voudrait que le tirage au sort des responsables politiques et la démocratie fussent consubstantiels. Rien, en effet, n’est moins sûr, comme le prouve l’exemple de l’Athènes antique. L’Athènes classique a inventé la démocratie et la mit en pratique dans une cité qui ne comptait pas plus de 20 000 ou 30 000 citoyens – soit des hommes issus de parents libres âgés de plus de dix-huit ans -, au témoignage notamment de l’auteur de comédies Aristophane. L’outil de cette création politique qu’est la démocratie aurait été une spécificité constitutionnelle en effet bien réelle : le tirage au sort des membres de l’une des deux assemblées athéniennes, la Boulê, et d’un certain nombre de magistrats dont les juges. Il faut toutefois nuancer les choses et se méfier des illusions rétrospectives, ainsi qu’y invite une excellente livraison de la revue Participations qui intitule son numéro de 2019 précisément « Tirage au sort et démocratie ». (…) Mais le reproche le plus profond et le mieux conceptualisé contre le système du tirage au sort a été formulé par Platon lui-même. Le philosophe voyait dans cette pratique une mesure destinée à « éviter que n’éclate la mauvaise humeur de la foule » (La République 6, 757e). Bref, à chercher à canaliser par une basse manœuvre un peuple récalcitrant. Mais Platon va bien au-delà de cet argument polémique dirigé contre une cité dont les juges tirés au sort avaient condamné Socrate à mort. Dans son ultime traité, Les Lois, Platon encourage néanmoins le recours au tirage au sort. Mais pas n’importe quel tirage au sort. Dans une page décisive des Lois (6, 757b), il explique en effet qu’il faut certes chercher à promouvoir l’égalité. Mais qu’il en existe deux formes distinctes, voire opposées : l’égalité arithmétique et l’égalité géométrique. La première donne à chacun une part identique ; la seconde donne à chacun en fonction de ses compétences et de ses mérites. La conclusion de Platon est sans appel : la première égalité peut être assurée dans une cité qui aurait recours au tirage au sort. Mais, pour l’autre égalité, « la plus vraie et la meilleure », il est fort délicat de distinguer qui la mérite. Seul Zeus est capable d’attribuer, dans son discernement, « les plus grands honneurs aux plus vertueux, rendant ainsi à l’un et à l’autre ce qui lui revient, proportionnellement à son mérite ». Pour Platon, en définitive, le tirage au sort ne peut être efficient qu’à la condition d’être téléguidé par la divinité. Ce qui conduit au dernier reproche, et non le moindre, que l’on doit faire au tirage au sort. C’est qu’il s’agit d’un système théocratique dans la mesure où aucun hasard en ce monde n’échappe au plan divin. Le savant qui a le mieux décrit la nature profonde du tirage au sort est ainsi Fustel de Coulanges qui écrivait, en 1864, dans La Cité antique : « Le tirage au sort n’était ni un procédé égalitaire, ni un procédé essentiellement oligarchique. Il a pris l’un ou l’autre caractère suivant les temps. » Et il ajoutait, conformément à la thèse générale de son grand livre, que « le sort n’était pas le hasard ; le sort était la révélation de la volonté divine ».

Présent (30 juin) revient sur la décision du groupe l’Oréal de supprimer certains termes techniques au nom de l’antiracisme :

Cédant au véritable délire« antiraciste » qui s’est emparé de l’Occident depuis la mort accidentelle de George Floyd, le géant français L’Oréal a en effet annoncé samedi sa décision totalement grotesque de faire disparaître de ses emballages certains mots, tels que « blanc », « blanchissant » et « clair », servant à décrire ses produits cosmétiques. Une capitulation pitoyable qui – tout de même ! – suscite une vive polémique sur Internet. Il est vrai que L’Oréal n’est pas le premier groupe à s’agenouiller aussi piteusement sous la pression du lobby dit « antiraciste » : le19 juin, son concurrent américain Johnson &Johnson, propriétaire des marques Neutrogena, RoC et Le Petit Marseillais, ouvrait en effet le bal en annonçant officiellement l’abandon de sa production de substances éclaircissantes. La semaine d’après, la branche beauté d’Unilever, cédant à deux pétitions en ligne, lui emboîtait le pas et promettait de supprimer le mot Fair (« clair » en anglais) qualifiant sa crème pour la peau commercialisée sous le nom de « Fair & Lovely ». Et ce n’est pas fini : également pris pour cible par les suprémacistes noirs, le groupe allemand Beiersdorf, qui commercialise les produits Nivea et Labello, disait jeudi passer « actuellement en revue toutes [ses] descriptions de produits » et réévaluer « celles qui pourraient être mal interprétées »… Si la crainte de perdre des parts de cet énorme marché(estimé à 8,3 milliards de dollars), plus que l’idéologie, est la plupart du temps à l’origine de ces décisions, celles-ci n’en restent pas moins scandaleuses parce qu’elles tendent à officialiser, sous couvert d’« antiracisme », un véritable racisme anti-Blancs.

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