C’est un morceau d’anthologie qu’il faut lire. Doucement et calmement. La lutte contre la Covid-19 a conduit à la fabrication d’un vaccin. Mais ce vaccin n’est pas comme les autres. Il n’appartient pas simplement à l’arsenal de lutte contre le virus, mais il est présenté comme la preuve absolue des bienfaits de la mondialisation. Non seulement de l’internationalisation de la recherche scientifique (qui existait avant ce que nous appelons la mondialisation), mais de la grande finance internationale et de l’immigration à grande échelle. Ceux qui dénoncent les complotistes en permanence leur fournissent en fait des arguments. C’est le cas avec cet éditorial de Luc de Barochez dans Le Point (17 novembre) :
La prouesse scientifique que constitue la mise au point, en un temps record, du premier vaccin contre le Covid-19 est le fruit de la mondialisation libérale. La start-up allemande qui l’a présenté la première n’aurait pas pu ni le développer, ni le tester aussi vite sans le capitalisme, sans le marché et même sans « Big Pharma » : l’un de ses partenaires est l’américain Pfizer, géant mondial de la pharmacie, l’autre est le chinois Fosun Pharma. Grâce à leur coopération, grâce aux autres entreprises privées, comme l’américain Moderna, qui sont aussi en train d’aboutir, on peut enfin envisager la sortie de crise. La lumière est au bout de la seringue.
Tout dans cette histoire souligne le rôle clé de la libre circulation du savoir, des capitaux et des hommes pour repousser les limites du possible. Le vaccin est fondé sur les recherches d’une scientifique hongroise émigrée aux États-Unis. Il a été mis au point à Mayence par la PME allemande BioNTech, créée par deux médecins originaires de Turquie. Il a été testé simultanément aux États-Unis, en Chine, en Allemagne, au Brésil, en Argentine, en Afrique du Sud et en Turquie. Il est produit en Belgique, en Allemagne et aux États-Unis grâce à la puissance de Pfizer, multinationale dirigée par un PDG qui incarne à lui seul l’aventure de la mondialisation contemporaine : Albert Bourla, vétérinaire grec né dans une famille juive en 1961 à Thessalonique, a vécu dans quatre pays et sept villes depuis qu’il a quitté la Grèce il y a un quart de siècle. L’exploit accompli montre que la science, le progrès technique et même l’immigration ne sont pas le problème, mais la solution pour sortir de la pire crise de notre génération.(…) Si on avait écouté la droite nationaliste, BioNTech – entreprise fondée par un immigré et une fille d’immigrés venus de Turquie – n’aurait jamais vu le jour, et le patron de Pfizer serait toujours en Grèce. Si l’on avait suivi les écologistes décroissants, la technologie révolutionnaire du mRNA, fondée sur le génie génétique, n’aurait pas existé. Si l’on avait obtempéré aux oukases antimondialisation des ténors de la gauche comme Jean-Luc Mélenchon ou Arnaud Montebourg, il n’y aurait pas de coopération internationale entre les entreprises pharmaceutiques, qui sont mues par l’excitation de la recherche scientifique mais aussi par la quête du profit. Pfizer a pu se permettre d’investir 1,5 milliard de dollars dans un vaccin inédit parce qu’elle était une de ces multinationales honnies. (…) « Ce qui nous rend forts, a tweeté en Allemagne le député libéral Johannes Vogel, c’est d’être un pays d’immigration, une économie de marché et une société ouverte. » La leçon doit être méditée de notre côté du Rhin.
CQFD