Le Neveu de Rameau est un texte d’une théâtralité exceptionnelle parce qu’il repose sur le génie dramatique qui caractérise Diderot, son sens aiguisé de la conversation. Jean-Pierre Rumeau a su tirer du face-à-face entre le philosophe et cet énergumène de neveu de Rameau, musicien raté jaloux, clochard inspiré, mi-fou, mi-sage, une rencontre d’une rare intensité. Le dialogue est vif, mordant, sans concession. La condition humaine s’y expose sans fard, les interlocuteurs se souciant peu de mondanité et d’idées convenues, mais se confrontant plus au niveau de leur expérience que dans l’exposition argumentée de grandes théories abstraites. L’univers de Diderot qui n’est pas d’un optimisme béat sur la condition humaine et sur le progrès social s’y déploie avec toute sa force. Nicolas Vaude et Gabriel Le Doze incarnent ce dialogue avec une énergie et une puissance d’expression de la voix et du corps à couper le souffle par instants. Ils ont cette présence en scène qui enveloppe littéralement les spectateurs de la première à la dernière réplique. Pas le temps d’être ailleurs. Ils nous emportent dans leur jeu et suscitent, ce qui devient rare, un véritable enthousiasme du public.
Théâtre du Lucernaire, 53, rue Notre-Dame-des-Champs, Paris VIe, jusqu’au 3 janvier 2016, du mardi au samedi à 20 h, dimanche à 17 h. Relâches les 12 et 13 décembre. Rés. : 01 45 44 57 34.