Le récit de la Nativité met en avant les deux villes qui comptent dans la vie du Christ, Jérusalem et Bethléem, et leur donne, selon les évangélistes Matthieu ou Luc, des significations différentes, soulignant les événements porteur de salut qui y ont lieu.
« Et toi Bethléem, le moindre des clans de Juda… » (Mi 5, 2). C’est ainsi que Michée, prophète du VIIIe siècle, s’adressait à la ville d’où est issu David. Pourtant, saint Matthieu fait dire aux grands-prêtres et aux scribes de Jérusalem : « Ainsi est-il écrit par le prophète : “Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n’es nullement le moindre des clans de Juda…” » (Mt 2, 5-6). Le prophète et l’évangéliste se contrediraient-ils ? Nullement, puisque l’un et l’autre veulent magnifier Bethléem comme lieu de la naissance du plus grand des rois. Cette contradiction apparente attire notre attention sur les significations très différentes qu’un même lieu peut avoir, selon le regard que l’on porte sur lui (1). Les Évangiles y sont sensibles. Il y a chez eux toute une géographie symbolique. Nous allons le montrer en comparant la manière dont saint Matthieu et saint Luc évoquent deux lieux étroitement liés au mystère de la naissance du Christ : Jérusalem et Bethléem.
Jérusalem : ville sainte ou cité impie ?
Dans l’évangile selon saint Matthieu, Jérusalem est dépeinte sous des couleurs très sombres. Les Mages, venus d’Orient pour rendre hommage au « roi des Juifs, qui vient de naître » (Mt 2, 2), ne l’y trouvent pas. Et pour cause : là, règne un roi très différent, Hérode dit « le Grand », politique habile, fastueux reconstructeur du Temple, mais aussi tyran sanguinaire. Il ne pouvait voir en Jésus-Christ qu’un rival à abattre, et il va s’y employer avec toute sa ruse et sa férocité. Remarquons combien son rapport à l’espace contraste avec celui de saint Joseph ou des Mages. Ceux-ci se déplacent beaucoup, d’un lieu à l’autre, selon les signes que le Seigneur leur adresse. Il ne leur importe pas précisément d’être à Nazareth ou à Bethléem, ou même hors de Terre sainte, en Égypte. Ils aiment leur patrie charnelle, mais leurs racines sont en Dieu d’abord. Dès lors, ils sont en rapport amical avec la Création et tout lieu peut leur être accueillant, pourvu qu’ils y soient avec Dieu, c’est-à-dire, en l’occurrence, avec Jésus. Hérode, lui, ne se déplace pas. Il reste « embastionné » dans son palais de Jérusalem, comme…