Cardinal Robert Sarah : Crux – Hostia – Virgo

Publié le 16 Mar 2023
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A la fin de la retraite sacerdotale qu’il a prêchée à Ars du 5 au 11 mars dernier à une cinquantaine de prêtres venus de toute la France, le Cardinal Robert Sarah est allé à la rencontre des paroissiens de Bourg-en-Bresse : cette visite s’inscrivait dans le cadre des conférences de Carême des deux paroisses du Sacré-Cœur et de Notre-Dame.

Au programme de ces trois jours : visite des patronages des Oblats de Saint-Vincent de Paul, suivie des vêpres à la basilique du Sacré-Cœur, le samedi 11 mars ; Messe solennelle en la co-cathédrale Notre-Dame et conférence de Carême, le dimanche 12 mars ; Messe en la chapelle des Dominicaines du Cœur Immaculé de Marie et rencontre avec les malades et les pauvres dont elles ont la charge, et visite mémorable à la Chartreuse de Portes, le lundi 13 mars.

Partout, le Cardinal Sarah a reçu un accueil enthousiaste et fervent de très nombreux fidèles qui apprécient ses paroles courageuses, lucides et limpides empreintes de la vérité de l’Evangile, ainsi que la sérénité qui émane de sa personne, son attention à tous et sa paternité envers les prêtres, les consacrés et les fidèles, plus spécialement les familles : parents et enfants s’agenouillaient devant lui pour recevoir sa bénédiction.

Dans ses différentes interventions – homélies, allocutions – le Cardinal Sarah a affirmé que la Croix, l’Hostie et la Vierge Marie doivent être au centre de la vie de chaque baptisé, d’où les trois mots latins qu’il répète très souvent, telle une devise : Crux, Hostia, Virgo . La Croix nous fait naître à la vie divine. Sans l’Eucharistie, où la Croix rédemptrice est rendue présente, nous ne pouvons pas vivre. Et la Vierge Marie, qui est notre Mère du Ciel, veille attentivement sur notre croissance spirituelle et nous éduque à grandir dans la foi.

Chaque baptisé doit accepter de dire, comme saint Paul, à travers les réalités concrètes de son existence : « Avec le Christ, je suis crucifié. Je vis, mais ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi » (cf. Ga 2, 19-20). Ce n’est que par la Croix et au terme d’une prodigieuse descente en des abîmes d’humiliations que le Christ, le Fils de Dieu, a arraché les hommes à l’esclavage du péché et de la mort pour les rendre participants de sa divinité.

Or, la sainte Messe rend présent le Sacrifice du Calvaire. Par conséquent, la vie de chaque baptisé étant marquée par la Croix, celui-ci est appelé à vivre intensément cette véritable consubstantialité entre le Calvaire et le Saint-Sacrifice de la Messe pour obtenir toutes les grâces procurées par l’Eucharistie célébrée, adorée et reçue dans la sainte Communion. Enfin, au pied de la Croix, se tenait la Vierge Marie, la Mère de Dieu, qui, par sa compassion aux souffrances rédemptrices de Jésus, est devenue notre Mère : elle nous conduit chaque jour, patiemment, au Christ Seigneur, son divin Fils.

Un second thème développé par le Cardinal Sarah est celui de l’Eglise. En rappelant avec force que Jésus n’a pas fondé l’Eglise pour résoudre tous les problèmes sociaux, climatiques, écologiques ou liés au phénomène de l’immigration massive et incontrôlée, le Cardinal Sarah affirme que l’Eglise est une réalité fondamentalement différente : elle est le Corps mystique du Christ, son Epouse sainte et immaculée.

Elle a pour mission de proclamer la foi à temps et à contretemps (cf. 2 Tm 4, 2), c’est-à-dire d’annoncer Jésus-Christ, mort et ressuscité, le Rédempteur, sans craindre les persécutions, les moqueries des « bien-pensants » et la marginalisation. De plus, ajoute le Cardinal Sarah, dans les pays occidentaux, la peur, mauvaise conseillère, est une lèpre qui paralyse le missionnaire de la Nouvelle Evangélisation.

Ainsi, l’Eglise ne s’invente pas au gré des colloques, des conférences, des débats, des rencontres informelles, des entretiens médiatisés et même de synodes dont l’ordre du jour porte sur la réforme de ses structures essentielles. De fait, l’Eglise, une, sainte, catholique et apostolique, ne peut être à la merci de majorités de circonstances qui prônent des changements incompatibles avec sa véritable nature, qui sont l’expression d’idéologies promues par des groupes de pression… que d’autres majorités remettront en cause plus tard.

Cela vaut plus particulièrement pour le célibat sacerdotal, qui est d’origine apostolique et ne peut en aucun cas être remis en cause, et pour la famille chrétienne fondée sur le sacrement de mariage, où est scellée l’union indissoluble d’un homme et d’une femme ouverte à la transmission de la vie. L’Eglise se reçoit donc du Christ, son Fondateur et Epoux ; elle se reçoit agenouillée, baignant de ses larmes de repentir et de reconnaissance les pieds transpercés de Jésus, dans la prière et l’adoration, en contemplant son Epoux comme la femme pécheresse et pardonnée de l’Evangile (cf. Lc 7, 38).

Et c’est pourquoi, le Cardinal Sarah a mis en garde contre une tendance qui prévaut de nos jours : celle d’une « auto-réalisation » de l’Eglise, qui la défigure et se manifeste en premier lieu dans la liturgie. Celle-ci doit être marquée par le silence qui conduit à la contemplation et à l’adoration.

Or, ce silence sacré est abîmé, profané par les bavardages, les photographies prises pendant la Messe, les chants aux paroles insipides sans contenu théologique et au rythme syncopé et saccadé qu’accompagnent parfois les guitares et même la batterie, les danses, et aussi les applaudissements et autres expressions superficielles qui parsèment trop souvent les liturgies en alléguant une « adaptation », une « ouverture », une « spontanéité » ou une « inculturation », qui ne sont en réalité, en Occident, qu’une accommodation aux fausses valeurs d’un monde déchristianisé, et, dans les pays de mission, une transposition d’éléments des cultures païennes incompatibles avec l’Evangile et la Tradition de l’Eglise.

« L’Eucharistie et la sanctification des laïcs » : tel était le thème de la conférence de Carême que le Cardinal Robert Sarah a prononcée en la co-cathédrale Notre-Dame de l’Annonciation de Bourg-en-Bresse avant de célébrer les vêpres suivies du Salut du Saint-Sacrement. En s’adressant plus particulièrement aux familles chrétiennes, le Cardinal a exhorté parents et enfants à sanctifier le dimanche afin que, par la participation à la Messe dominicale, la famille chrétienne puisse battre au rythme du Cœur de Dieu.

Le monde contemporain est semblable à un désert, a-t-il affirmé : c’est le désert de l’indifférence, de l’individualisme et de l’égoïsme, et aussi du relativisme dû à l’éloignement de Dieu, un désert spirituel qui est marqué douloureusement par l’absence du prêtre, et donc de la sainte Messe dans tant d’églises de la France. Certes, les fidèles laïcs s’efforcent souvent d’y faire fleurir la foi chrétienne par leur courageux témoignage de baptisés.

Toutefois, sans le prêtre, l’Eglise s’évanouit et disparaît, d’où cet appel vibrant du Cardinal Sarah pour que, en France, jaillissent des familles chrétiennes de nombreuses et saintes vocations sacerdotales. Dans le diocèse du saint curé d’Ars, le Cardinal Sarah a tenu à rappeler ces paroles bien connues de saint Jean-Marie Vianney : « Laissez une paroisse vingt ans sans prêtre, on y adorera les bêtes », en illustrant son propos par cette exclamation d’un curé de paroisse octogénaire à la fin de la première Messe qu’un jeune prêtre célébrait à Montluel : « Aux jeunes ici présents, je pose cette question : ˮQui d’entre vous ramassera le calice que je tiens d’une main tremblante à cause de mon âge, et qui va bientôt tomber ?ˮ ».

Avec force et d’une voix à la fois suppliante et douloureuse, le Cardinal Sarah a enjoint les fidèles présents, en particulier les prêtres, à ne pas banaliser, et donc profaner l’Eucharistie : l’objectivité de la présence eucharistique, c’est-à-dire sa valeur et sa compréhension, est trop souvent obscurcie, comme le montre la diffusion d’un subjectivisme liturgique dans les célébrations.

Pour beaucoup, la liturgie n’est plus considérée comme l’œuvre de Dieu, dont Dieu lui-même a l’initiative, mais comme une sorte de théâtre, le produit d’une créativité et d’une fabrication humaines. « L’Eglise résiste ou tombe avec la liturgie», s’est exclamé le Cardinal Sarah, et c’est pourquoi la Liturgie, en particulier la sainte Messe, occupe une place prioritaire, et même fondamentale et unique dans la vie chrétienne.

Puis, le Cardinal Sarah a filé la métaphore du Porche, un thème présent dans l’œuvre de Charles Péguy : Le Porche du Mystère de la deuxième vertu, pour mieux faire comprendre ce qu’est vraiment la Liturgie. Il a affirmé que pour entrer dans le Mystère de l’Eucharistie, il faut apprendre à ouvrir successivement deux Porches : le premier est le silence qui permet d’ouvrir le second Porche, celui de la prière.

Le silence sacré  – et non profane qui s’apparente à la lutte anti-bruit pour des raisons écologiques – est celui de l’adoration de Dieu. Par le silence sacré, le baptisé parvient sur le seuil de l’autre Porche, celui de la prière, ce jardin magnifique de la contemplation, nouvel Eden céleste. A la Messe, c’est Dieu lui-même qui vient à nous par son Fils Jésus, mort et ressuscité : par le Sacrifice de Jésus-Christ rendu présent sur l’autel dans le Sacrement de l’Eucharistie, Dieu lui-même ouvre la porte de notre âme et celle-ci devient la demeure de la Très Sainte Trinité.

Le Cardinal Sarah a notamment encouragé les prêtres à respecter les âmes des enfants pendant les Messes de Premières Communions en évitant toutes les inventions pseudo-liturgiques qui ont pour effet de les détourner du Mystère de l’Amour de Dieu qui se révèle à eux en plénitude en ce jour béni entre tous.

Il a cité cette magnifique question adressée par une petite fille à sa mère, qui lui demandait, la veille de sa Première Communion, pourquoi elle semblait si heureuse : « Maman, demain, Jésus viendra dans mon cœur. Mais, dis-moi, crois-tu que Jésus est aussi impatient que moi ? ». Le Cardinal Sarah a conclu sa conférence en citant l’écrivain russe Soloviev : « La foi sans les œuvres et morte ; la prière – et donc la liturgie – est la première œuvre ».

 

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Abbé Thierry Blot +

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