Comment grandir dans la foi ou découvrir les clefs du Royaume… sous le paillasson

Publié le 01 Juil 2016
Comment grandir dans la foi ou découvrir les clefs du Royaume… sous le paillasson L'Homme Nouveau

Face à la douleur de ne pas croire ressentie par beaucoup, Pierre Durieux propose une « Méthode simple pour commencer à croire ». Une lecture qui s’impose en ce Jubilé de la Miséricorde où les croyants sont invités à partager le bonheur de croire.

À qui adressez-vous cette Méthode simple pour commencer à croire ?

J’ai voulu écrire un livre accessible, court et bon marché, destiné à ceux pour qui la foi ne relève pas de l’évidence. Chercheurs, commençants ou recommençants, mais aussi pour les croyants convaincus voulant mettre des mots sur leurs raisons de croire ou désireux de la transmettre. En christianisme, de toute façon, on n’en finit jamais de commencer !

L’anecdote mérite d’être dévoilée, pourriez-vous nous dire à quelle occasion le projet de ce livre a-t-il éclos ?

Ce livre est né d’un silence gêné, celui que j’ai opposé, adolescent à la question de l’un de mes proches qui me demandait pourquoi j’étais chrétien. Je n’ai eu de cesse que de vouloir venger ce silence coupable. Et c’est la raison pour laquelle je me suis engagé dans des études de philosophie, à l’IPC et à la Sorbonne. Je fais partie de l’une des dernières générations à avoir suivi les cours de Marcel Clément. C’est donc tout naturellement vers lui que je me suis tourné, alors que j’amorçais le sujet de mon mémoire de philo. Il me reçut dans son bureau de L’Homme Nouveau, me partageant l’enthousiasme devant le sujet proposé « La raison et la foi chez Thomas d’Aquin et Blaise Pascal ». Je me souviens, en particulier de sa remarque : « Vous verrez que, dans la durée, ce n’est pas la foi qui est mise à l’épreuve, c’est l’espérance. » J’étais et je suis encore probablement encore trop jeune pour en comprendre la signification profonde mais je devine la gravité de son intuition.

Vous exprimez votre motivation à écrire ce livre comme « la réponse à un serment : témoigner des bonnes raisons de croire ». Pour vous qui étiez auparavant un « grand incrédule », ce témoignage était-il un serment coûteux, face aux éventuels jugements extérieurs ?

Non. Beaucoup trouvent ce livre courageux, mais pour ma part, je n’y vois pas tellement de courage, car la plupart de mes proches sont dans la même barque ecclésiale que moi… Partager sa foi, c’est d’abord une joie !

Vous souhaitez par ce livre proposer un chemin qui apporte des « réponses recevables et indiscutables » à la question « Pourquoi croire en Dieu ? ». Ce chemin nécessite-t-il, pour être crédible et emprunté, ne seraient-ce que les vestiges d’une foi catholique ?

Oui, c’est probablement chez ceux-là qu’il est le mieux reçu… Avant de publier ce livre, j’ai voulu le faire relire par l’un de mes amis dominicains qui l’a trouvé… discutable ! Avant de me proposer de le faire lire à une jeune fille qu’il accompagnait et qui était en proie au doute. Et cette jeune fille d’écrire : « Merci. Enfin, quelques éléments tangibles pour avancer ! ». C’est pour moi le plus beau compliment que l’on puisse faire de cet écrit …

Vous dites que la foi est une grâce, un « mystère qui touche le cœur humain ». Mais alors quel lien entre foi et raison ? La foi est-elle étrangère à la raison ? Comment les concilier ?

La foi est un acte qui engage l’humanité dans sa totalité. Comme le dit saint Thomas d’Aquin c’est d’abord un acte de l’intelligence, mue par la volonté, sous l’égide de la grâce. C’est sur cette définition que j’ai fondé mon plan et ses trois principales parties : Comprenez-vous ? Voulez-vous ?  Aimez-vous ?

Votre ouvrage s’inspire de celui d’Allen Carr, La Méthode simple pour en finir avec la cigarette. Ainsi, de même que l’envie de fumer peut nous ressaisir, l’incrédulité et le doute peuvent-ils s’immiscer à nouveau dans la vie du converti ? Si oui, quel(s) remède(s) ?

Vous avez parfaitement raison. L’incrédulité peut être une tentation au long cours et le principal remède réside dans le travail. Saint Paul, en effet, invite à avoir une charité qui se donne de la peine, une espérance qui tienne bon, et une foi qui travaille. Cet effort est d’abord celui de la raison, celui de la volonté et celui du cœur. Pour ma part, c’est dans l’oraison qu’il me semble avoir approché le plus sensiblement Dieu. C’est ce que résume ainsi magnifiquement le Père Caffarel : « Dans l’oraison, Dieu se fait moins incertain. »

Selon vous, peut-on, avec de la bonne volonté, rester aveugle aux signes, aux clins d’œil de Dieu ?

La foi est l’une des choses les plus étranges qui soit : de grands saints ont vécu leur foi avec un sentiment d’évidence (c’est le modèle Jean-Paul II) et d’autres dans un sentiment d’éloignement, d’incertitude, de doute (c’est le modèle Mère Teresa). L’un est-il plus saint que l’autre ? Non. Nul ne saurait en juger. À chacun il revient d’aller de commencements en commencements, de grandir dans la foi et dans l’amour, quel que soit le degré d’évidence qui lui est donné. 

Pensez-vous que l’on puisse voir dans l’incrédulité contemporaine et la prolifération des idoles, le refoulement d’un désir profond d’Absolu, de Dieu ?

Absolument. La vie intérieure est en état de survie extérieure, tant le monde moderne semble unanime pour la faire disparaître. L’écran est devenu la seule idole à laquelle il convient de sacrifier plusieurs heures par jour. Le petit écran, plusieurs fois par heure. Ce que Dieu n’avait pas osé demander à l’homme, l’homme l’a donné à quelques petits bouts de métal et de verre de sa fabrication. J’aime mon iPhone, mon iPad, et surtout… mon iDole.

Dans cette lutte invisible qui se joue au-dessus de nos têtes, la tentative d’effacement des signes de Dieu semble ne plus être la seule stratégie. Une autre tendance semble désormais vouloir copier, reproduire, dupliquer Dieu, son Église, son œuvre.

Pour parodier les prophètes, sont venus les astrologues et les cartomanciens. La raison a fort heureusement chassé l’obscurantisme de nos médias, mais l’horoscope prospère dans la plupart de nos journaux. Pour parodier les miracles, est venu le temps de la magie blanche et du New Âge. Nul ne croit plus au Saint-Esprit mais les esprits, les fantômes sont devenus des certitudes chez beaucoup.

Plus de messe, mais des célébrations de masse avec ses nouveaux calices, la coupe du monde et la coupe de l’Euro ! Si une équipe se qualifie, c’est la consécration.

Aujourd’hui, dans les clubs, les ONG, l’éducation, les mairies : on veut recréer une église. Baptême républicain, mariage et cérémonie funéraires : il n’y a plus de pères, mais heureusement, on a des maires… Le plus souvent, s’ils terminaient leur propos par « Alleeeeeeeez dans la paix du Christ ! » on leur répondrait sans même réaliser qu’on se trouve dans une préfecture ou dans un ministère. Regardez les plafonds de nos édifices publics : ils sont peuplés d’anges et de créatures célestes…

Même dans les clubs philanthropiques, on crée des initiations, des célébrations, des parodies de l’Eucharistie, etc.

La liste pourrait s’allonger à l’envi tant notre monde ne s’est fondamentalement construit qu’autour de cette référence première : Jésus. Il faut réécouter le générique du capitaine Flam, pour réaliser que notre société ne sait pas faire autre chose que du christianisme de deuxième classe : « Capitaine Flam, tu n’es pas de notre galaxie mais tu descends jusqu’ici pour sauver tous les hommes… ». Robocop, Superman, Spiderman ne font que revisiter le mystère de la rédemption, avec quelques variantes colorées bien sûr.

Souvent contrée, plus souvent encore parodiée, la foi chrétienne souffre désormais d’une menace plus dangereuse et plus mortelle que les autres : l’oubli. C’est contre ces trois risques que j’ai voulu écrire ce petit livre. Chacun des trois attestent à sa façon de la grandeur de la Révélation.

Comment, en tant que chrétien, peut-on concrètement diriger les autres vers le paillasson, leur montrer les clés du Royaume sans leur inspirer la méfiance ou l’hostilité ?

Il y a, bien sûr, la valeur de l’exemple et son prix à payer : le risque du contre-exemple ou du contre-témoignage qui déçoit, éloigne, désespère. Mais il y aura toujours dans la vocation chrétienne une exigence du verbe : soyez toujours prêts à rendre compte de l’espérance que vous avez reçue, à répondre à ces personnes assoiffées et en recherche de sourciers. C’est l’ambition de ce livre : parmi les joies, je suis étonné que, quoique explicitement missionnaire et résolument chrétien, il ait été bien accueilli même par Paris Match, France info ou Europe 1… Qu’il ait pu être diffusé dans les magasins Relay dans les gares et les aéroports. Frédéric Ozanam soulignait que « Beaucoup ressentent amèrement la douleur de ne pas croire », et il nous revient à nous chrétiens de leur redire avec Benoît XVI que les portes de la foi sont toujours ouvertes… Pour ceux à qui elles semblent fermées, savoir dire que les clefs ne sont pas loin : sous le paillasson, c’est-à-dire en fait dans l’Évangile que nous foulons aux pieds si souvent et qui est pourtant le socle sur lequel s’est bâtie notre civilisation. Aucun livre, aucune prédication ne seront jamais une contrainte en termes de conversion mais ce livre veut montrer un chemin et donner le mode d’emploi pour commencer … Nul ne peut franchir les portes du Royaume à la place d’un autre, mais délicatement et puissamment savoir dire : « Regarde là, tout près, comme c’est beau ! ».

Pierre Durieux, La méthode simple pour commencer à croire, Les clés du Royaume sont sous le pallaisson, Artège, 152 p., 10,90 €. À découvrir sur www.commencer.fr

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