Crise agricole, les raisons de la colère (1/3)

Publié le 21 Fév 2024
crise agricole
Dans cet entretien, Yann de Kérimel, éleveur bovin, dresse le tableau sombre d’un monde agricole profondément détraqué, entre le mauvais rôle des institutions censées représenter le secteur, les exigences absurdes et contradictoires de l’Union européenne et des choix de consommation déraisonnables.

 

| Comment expliquez-vous les récentes mobilisations d’agriculteurs ? Quelles sont leurs revendications ?

L’annonce de la hausse du prix du gasoil non routier (GNR) et celle de l’électricité au 1er février ont été, je pense, les éléments déclencheurs de la colère des agriculteurs. Cela pourrait rappeler l’élément déclencheur des Gilets jaunes. Si on rajoute à cela des prix d’intrants (engrais, produits phytosanitaires…) élevés, des normes toujours plus contraignantes et une concurrence déloyale signée par les pays membres de l’Europe à travers les marchés de libre-échange (Ceta, Mercosur, Nouvelle Zélande, Chili, Ukraine…), il y a là de quoi mobiliser les paysans qui sont endettés et qui, pour certains, n’arrivent plus du tout à vivre de leur métier malgré les nombreuses heures de travail. Les éleveurs, les maraîchers, les céréaliers, les arboriculteurs travaillent non seulement largement plus de 35 heures par semaine (et sans salaire fixe) mais sont aussi submergés par la partie administrative toujours plus lourde. Pour ce qui est des revendications, elles peuvent sembler multiples comme pour les Gilets jaunes mais elles pourraient être résumées par deux slogans de la Coordination rurale :  « Laissez-nous travailler », ceci pour la partie normes et paperasse, et « On veut des prix, pas des primes », pour ce qui est de la rémunération de leur travail. Cela dit, avec quelques jours de recul et les « revendications », on peut voir la déconnexion des syndicats et du ministère de la réalité du terrain, et des désirs du consommateur final. Les marins pêcheurs bénéficient d’un GNR détaxé, il semble judicieux de faire de même pour les paysans et le BTP qui sont des métiers primordiaux dont nous avons tous besoin. La loi européenne de libéralisation du marché de l’énergie est un scandale pour tous les Français, il faut absolument revenir dessus. Nous avons des normes et des interdictions sur un certain nombre de produits chimiques et sur nos modes d’action (et cela n’est pas forcément mauvais) mais les produits importés de l’étranger ne sont pas soumis, eux, aux mêmes normes et taxes. Ceci est absolument scandaleux.

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Maitena Urbistondoy

Maitena Urbistondoy

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