La biographie
J.R.R. Tolkien, une biographie, Humphrey Carpenter
Le cinquantenaire de la mort de Tolkien, le 2 septembre 1973, est passé relativement inaperçu au regard de la célébrité de cet écrivain anglais et de son œuvre mondialement connue. Son éditeur historique en France, Christian Bourgois, a néanmoins réédité plusieurs de ses livres et un tirage limité du Seigneur des anneaux est encore prévu pour ce mois d’octobre. Il faut saluer aussi la réédition de la biographie de Tolkien écrite par Humphrey Carpenter. Elle date certes de 1976 mais elle a pour elle de se lire facilement et de décrire l’atmosphère dans laquelle évolua l’écrivain. L’ouvrage débute d’ailleurs avec le récit d’une rencontre de Carpenter avec Tolkien, permettant de bien saisir quel personnage était ce professeur d’Oxford devenu célèbre dans la dernière partie de son existence en ayant mis au monde les Hobbits. Un autre aspect qui retient l’attention dans cette biographie est que jamais l’auteur ne cache la part décisive qu’occupe le catholicisme dans la vie et dans l’œuvre de Tolkien. Bien sûr, l’élaboration de ses livres, les difficultés d’édition et leurs réceptions ne sont nullement laissées de côté. Pour ceux qui ne connaissent pas la vie de Tolkien, il s’agit assurément d’une bonne porte d’entrée.
J.R.R. Tolkien, une biographie, Humphrey Carpenter, Christian Bourgois éditeur, 536 pages, 18 €.
Benoît Maubrun
Le CD
Brexit Music, Batiste Trotignon
Bien sûr, son auteur s’en défend : Brexit Music n’est pas un album politique. En tout cas, Se non è vero, è bene trovato ! Baptiste Trotignon, né en 1974 dans les Yvelines, à une époque où le Royaume-Uni n’était pas encore membre de l’Europe de Bruxelles, est un pianiste de jazz formé à l’école classique. Aussi compositeur, il est l’auteur d’un concerto pour piano, Different Spaces, créé en 2012 avec Nicolas Angelich et l’Orchestre national de Bordeaux Aquitaine, qui s’inspire parfois de Prokofiev, Debussy ou Bach. Mais avec Brexit Music, il s’amuse (en trio avec Matt Penman à la contrebasse et Greg Hutchinson aux percussions) à broder sur des thèmes de la pop anglaise des années 1960-1970. Dans un style proche de ceux de Dave Brubeck ou de son contemporain Brad Meldhau, voici traduits en mode jazzy, avec humour et enthousiasme, des tubes des Beatles (Drive my Car, Norwegian Wood), de Led Zeppelin (Whole Lotta Love), David Bowie (Life on Mars), ou encore Pink Floyd (Money) ou The Police (Message in a Bottle) ou Queen (We are the Champions). Trotignon laisse souvent courir son imagination et donne ainsi une dimension nouvelle à des airs archiconnus mais qui se révèlent avec le recul des années des éléments architectoniques de la culture britannique – et donc européenne, malgré le Brexit.
Brexit Music, Batiste Trotignon, Naïve, 17 € env.
Benoît Sénéchal
L’Histoire
De la guerre, Maréchal Foch, textes présentés et annotés par Martin Motte
Généralissime des armées alliées pendant la Première Guerre mondiale, Ferdinand Foch a laissé une empreinte profonde. Aujourd’hui encore certains de ses principes inspirent la conduite des armées, comme en témoigne la préface du général Benoît Durieux. Historien, spécialiste de stratégie, Martin Motte publie ici deux ouvrages du futur maréchal Foch, nés de ses cours à l’École de guerre au début du XXe siècle. Dans une très intéressante introduction, il présente la pensée de Foch en ce qui concerne la guerre et des principes à mettre en action pour répondre à des situations forcément imprévisibles et nécessairement fluctuantes. « Les deux livres ici rassemblés, écrit ainsi Martin Motte, donnent la réponse de Foch. Une réponse générale d’abord, qui l’amène à rejeter toute idée d’une science ou d’un dogme de la guerre pour mettre en lumière l’intérêt des principes, des guides pour l’action à appliquer de manière chaque fois différente en fonction des circonstances. » Motte répond aussi aux critiques de Foch, principalement l’Anglais B.H. Liddell Hart et le Français Marc Bloch. L’intérêt pour le lecteur non militaire ? Elle se trouve dans la remarque de Jean Guitton qui voyait dans la pensée fochienne une méthode ouverte et non un système clos. De quoi inspirer aussi la conduite des affaires civiles.
De la guerre, Maréchal Foch, Tallandier/Ministère des Armées, 526 pages, 26,50 €
Stéphen Vallet
Le DVD
Le cardinal, Saje distributions
Dans les années 1950, le régime communiste s’étend à travers toute l’Europe. En Roumanie, il tolère la religion… mais si celle-ci se plie à ses exigences. Pas question donc d’accepter des catholiques qui se réfèrent à une autre autorité, à savoir celle du Pape. Pour cette raison, un groupe d’évêques gréco-catholiques est enfermé dans la prison de Sighet en 1950. Parmi eux, un homme déjà connu dans le pays pour sa foi et son attention à tous, Mgr Iuliu Hossu (1885-1970), évêque de l’Église uniate de Gherla, devient un guide pour chacun. Si certains acceptent au bout de mois de souffrances de signer une renonciation à leur catholicisme, beaucoup restent fermes avec lui, fidèles à leur foi. Finalement libéré en 1956, envoyé en résidence surveillée au monastère de Caldarusani, Mgr Hossu (interprété par Cristian Bota) y apprend en 1969 sa nomination comme cardinal par le pape Paul VI. Une occasion pour les dirigeants roumains de lui proposer de se rendre au Vatican… mais c’est mal connaître la force d’âme de Mgr Hossu. Il sait très bien qu’alors il ne pourra jamais revenir dans son pays. Il mourra isolé dans ce monastère, fidèle jusqu’au bout. Il sera béatifié le 2 juin 2019 avec six autres évêques martyrs. Un témoignage émouvant sur ces victimes du communisme.
Le cardinal, Saje distributions, 1h35, 19,99 € env.
Marie Martin
Mais aussi
Senlis – Pinceaux et crayons en main, Guillaume Le Baube
À tous ceux qui commencent à prévoir leurs cadeaux de Noël, nous ne saurions trop recommander le délicieux ouvrage de Guillaume Le Baube, Senlis – Pinceaux et crayons en main. Diplômé en histoire de l’art et professeur reconnu, Guillaume Le Baube peint depuis sa jeunesse, dans des genres très divers qui vont de la décoration aux tableaux, en passant par de superbes cartes postales de Paris. Avec Senlis, il présente à notre regard émerveillé les moindres recoins d’une ville qui, tout au long de son histoire, a su mettre dans la pierre son amour de la nature, de l’architecture ainsi que sa spiritualité. Ses nombreuses et ravissantes peintures sont servies par un texte non moins enchanteur et tout à fait passionnant, que notre auteur a soigneusement travaillé à partir des archives de la ville. Un plan de Senlis et une jolie carte du Senlisis complètent heureusement l’ensemble. Tant de beauté offerte est assurément le meilleur moyen de lutter contre le déracinement et la tristesse que tente de nous imposer la laideur actuelle de nos villes.
Senlis – Pinceaux et crayons en main, Guillaume Le Baube, autoédition, 102 p. , 29 € (en vente au Comptoir des Monastères, 33 rue Galande, Paris Ve).
Marie-Pauline Deswarte
L’Auberge volante, G.K. Chesterton
Dans la collection « Domaine étranger », dirigée par Jean-Claude Zylberstein, les Belles lettres viennent de rééditer L’Auberge volante de Chesterton, dans la traduction de Pierre Boutang, parue en 1990 aux éditions de l’Âge d’Homme. Une édition et une traduction différentes avaient déjà été publiées chez Gallimard en 1936. Dans les deux cas, il s’agit d’un exploit puisque ce roman de l’écrivain anglais contient un certain nombre de chansons qui rythment fréquemment l’histoire. Quelle est celle-ci exactement ? À l’approche de la Première Guerre mondiale, Chesterton a imaginé l’invasion de l’Angleterre par une armée musulmane qui pénètre à l’intérieur du pays grâce à la connivence et à la lâcheté des élites libérales. La rencontre d’intérêt commun – l’hygiénisme et la lutte contre l’alcool – scelle en quelque sorte cette alliance contre nature. Et c’est évidemment un irlandais, Patrick Dalroy, qui va organiser la résistance d’une façon surréaliste mais bien dans la manière de l’auteur. On a qualifié à raison L’Auberge volante de roman prophétique et Boutang voyait en lui un livre qui « pourra éveiller et instruire ceux qui, en l’Occident européen songent encore à relever certains défis, et restent fidèles à leur héritage ». De bonnes raisons pour le lire ou le relire.
L’Auberge volante, G.K. Chesterton, Les Belles Lettres, 326 p., 13,90 €.
Philippe Maxence
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