Nous fêtons ce 25 juillet la fête de saint Jacques le Majeur, apôtre du Christ et saint patron de l’Espagne. Chaque année, des pèlerins marchent vers la basilique où repose son corps : saint Jacques de Compostelle. Mais, pourquoi sont-ils si nombreux à faire ce pèlerinage ? Pourquoi ce lieu de vénération a-t-il une telle importance aujourd’hui en Europe ?
En 1988, 3000 marcheurs faisaient le pèlerinage de Compostelle. En 2010, ils étaient 272000 et 347500 en 2019. L’été dernier, le bureau d’accueil des pèlerins comptabilisaient une moyenne de 5000 nouveaux arrivants chaque jour.
Depuis quelques années, le sanctuaire de saint Jacques de Compostelle attire toujours plus de pèlerins, les uns pour le défi sportif, les autres pour réfléchir sur les routes. Pour la plupart, cela reste un pèlerinage en vue de se convertir.
Quelle peut être la raison d’un tel engouement envers ce « camino de santiago » ? Les édifices religieux sont nombreux dans le Monde, et ce sanctuaire d’Espagne semble bien plus marquer les esprits.
Un lieu de vénération
La légende raconte que la sépulture de saint Jacques le Majeur aurait été découverte en 813 en Galicie, dans le Nord-Ouest de l’Espagne. Appelé par Notre-Seigneur en même temps que saint Pierre, cet apôtre, frère de Saint Jean, était l’un des disciples les plus proches du Christ. Il était notamment là à la Transfiguration et à l’agonie, aux jardins des oliviers.
Après la Pentecôte, il serait parti évangéliser l’Espagne. De retour en Judée en 43, il fut martyrisé lors de la persécution d’Hérode Agrippa. Son corps aurait alors été rapporté en Espagne pour y être enterré.
Environ 800 plus tard, une étoile guida l’ermite Pelage au tombeau de ce saint, dans un champ qui prit le nom de « Campus stellae ».
Les lieux où reposent les reliques de saints on souvent été des théâtres de vénération. Pour l’apôtre Jacques, c’est Alphonse Ier le catholique, roi des Asturies, premier royaume ibérique après la chute du peuple wisigoth, qui, le premier, entama le chemin de Compostelle : il marcha ainsi sur ce qu’on appelle aujourd’hui le « camino primitivo ». Un siècle plus tard, l’évêque du Puy-en-Velay marcha 1000 kilomètres pour parvenir à la sépulture du saint apôtre, ouvrant ainsi le « camino francés ». Le pèlerinage de Compostelle était né.
Saint Jacques, patron de l’Espagne
Dans son livre Histoire de saint Jacques le Majeur et du pèlerinage de Compostelle [1], l’abbé Pardiac raconte l’époque où saint Jacques devient intercesseur de l’Espagne : En 845, une guerre commence entre le roi de Léon, Ramire Ier, et le califat de Cordou. Après une défaite des troupes catholiques, Ramire se réfugie dans le château de Clavijo, au nord de l’Espagne.
Encerclées par les troupes musulmanes, les troupes désespèrent. Mais, durant la nuit, un guerrier magnifique apparaît à Ramire : « Qui es-tu, dit Ramire? – Je suis, dit le guerrier, Jacques l’apôtre, à qui le Seigneur a confié la garde de l’Espagne. Ne crains pas, demain je serai avec toi, et sous mon commandement, tu remporteras sur les Sarrasins une victoire immortelle. Beaucoup des tiens tomberont, ce seront des martyrs. Ne doute pas de mes paroles et de mes promesses ».
Le lendemain, les troupes espagnoles s’élancent de nouveau et remportent la bataille, guidée par Saint Jacques. C’est de cette victoire que naît le cri de guerre « santiago ! Cierra españa ! ». « Ce cri belliqueux troubla plus d’une fois le voluptueux sommeil des califes et poursuivit l’islamisme au désert, après l’avoir chassé de l’Espagne. Il est gravé dans l’histoire, d’où il ne peut s’effacer, et l’Espagne, qui lui doit son salut, ne l’oubliera jamais ».
Saint Jacques devient alors le saint patron de l’Espagne à partir de ce jour-là. Le lieu où repose son corps et où sera bâtie une basilique en 1075 devient alors un haut-lieu de pèlerinage.
Le « livre » de Saint Jacques
L’apôtre évangélisateur de l’Espagne a aussi une grande importance dans l’Histoire de l’Europe. Au XIIè siècle, un ensemble de textes sur saint Jacques le Majeur est rassemblé dans un livre, le codex callixtinus, en hommage au pape Callixte II, qui rassembla ces textes.
Dans la quatrième partie de l’œuvre, appelé « chronique de Turpin », une nouvelle apparition du saint patron de l’Espagne est racontée. Cette fois, c’est à Charlemagne que saint Jacques va apparaître, pour l’encourager à délivrer l’Espagne de la domination musulmane.
Dans son livre Le Livre de Saint-Jacques ou Codex Calixtinus de Compostelle, écrit en 1992, le sociologue André Moisan affirme qu’« En regard des autres sections du Liber sancti Jacobi où de nombreux textes hagiographiques et liturgiques visent à célébrer la gloire de l’Apôtre et de son pèlerinage, l’Historia Turpini […] est avant tout une narration des campagnes menées par Charlemagne en Espagne et en Aquitaine pour repousser les ennemis de la chrétienté ». [2]
Saint Jacques le majeur est donc, non seulement le saint patron de l’Espagne, mais aussi le défenseur de la chrétienté en Europe. C’est ce qui peut expliquer la raison pour laquelle la basilique de Compostelle est un tel lieu de vénérations. Dans une période de crise, cet apôtre du Christ est l’un des principaux intercesseurs auprès de Dieu pour le redressement de notre continent.
[1] https://www.xacobeo.fr/ZF2.01.gen.Pardiac_07.htm
Histoire de saint Jacques le Majeur et du pèlerinage de Compostelle, abbé J.B. Pardiac.
[2] https://www.fnac.com/a1041835/Andre-Moisan-Livre-de-saint-jacques-de-compostelle-ou-codex-calixtinus