Professeur à Paris IV-Sorbonne, Gérard-François Dumont enseigne à l’Institut de géographie et d’aménagement. Selon le démographe, les mauvais choix en termes de politique familiale sont responsables de la chute vertigineuse du taux de fécondité ces dernières décennies. Une volonté politique à nouveau orientée vers le « capital humain » pourrait être bénéfique à toute la société. Entretien.
| La France a enregistré cette année une baisse record de la natalité depuis 1946. Comment l’expliquez-vous ?
Les analyses scientifiques fines que nous avons réalisées montrent depuis des décennies une corrélation entre la politique familiale et l’indice de fécondité. Ce taux a augmenté à chaque fois que des mesures positives ont été appliquées, et inversement lorsque des mesures négatives ont été mises en œuvre. C’est la raison pour laquelle, dès 2014, j’ai pu annoncer que la fécondité de la France allait baisser, puisque sous le quinquennat de François Hollande, de très nombreuses mesures de rabotage de cette politique ont été engagées et prolongées ensuite.
| Quels en sont les risques ?
Les conséquences sont importantes car elles s’exercent dès le court terme. Souvent, lorsqu’il y a une baisse du nombre de naissances, on a tendance à penser que cela concernera la population active uniquement quand ces nouveau-nés auront atteint l’âge adulte. En réalité, l’enfant est un « élément actif » de la population dès sa naissance, et même dans les mois qui précèdent. Tout simplement parce que les familles se mobilisent pour satisfaire les besoins d’un nouvel enfant, s’organisent différemment, changent leurs structures de consommation, cherchent à obtenir des revenus professionnels plus importants… Cette mobilisation est identique à l’échelle des territoires. Une commune ne sera pas incitée à faire des efforts particuliers dans ses investissements en termes de modes de garde, d’infrastructures scolaires, d’équipements sportifs… si son nombre de jeunes enfants diminue et donc si elle n’est pas stimulée par le nombre de jeunes qu’elle accueille. Les naissances sont un stimulant pour la dynamique économique et donc une forte baisse, comme celle que la France connaît depuis 2015, est un élément négatif, également du point de vue de la vitalité et de la place géopolitique des pays.
| Notre pays est-il une exception européenne dans ce domaine ?
La France a été une exception européenne, car elle avait une politique familiale qui lui permettait un indice de fécondité nettement moins…