C’est le dernier recours pour Vincent Lambert : la décision de le maintenir ou non en vie appartient désormais au Conseil d’État réuni en formation collégiale, soit la plus haute juridiction administrative en France, qui se prononcera dans le courant de la semaine prochaine.
Une décision importante
Le Conseil d’État avait été saisi le 28 janvier dernier par Rachel, l’épouse de Vincent Lambert (dont nous avions déjà décrit la situation ici) après que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne s’est prononcé le 16 janvier pour le maintien de l’alimentation et l’hydratation de son mari. Il devait se prononcer le 6 février mais le magistrat en charge de l’affaire a estimé le cas de Vincent Lambert trop complexe pour être tranché par un seul juge. De fait, la décision pourrait bouleverser l’actuelle prise en charge de la fin de vie et autoriser, par jurisprudence, l’arrêt total des soins pour une personne atteinte d’une maladie incurable. En effet, si le Conseil d’État permet l’arrêt de l’hydratation et de l’alimentation de Vincent Lambert, l’euthanasie dite « passive » deviendra légale en France, avant même l’ouverture du débat sur l’euthanasie et le suicide assisté annoncé par le gouvernement.
Soins ou traitements
L’alimentation et l’hydratation relèvent-elles du traitement ou du soin dû à toute personne ? En d’autres termes, s’agit-il de médicaments dont la prise prolongée relèverait de l’acharnement thérapeutique ou des soins élémentaires dus à toute personne ? C’est l’enjeu du débat qui divise depuis des mois la famille de Vincent Lambert : ses parents et une partie de ses frères et sœurs demandent son maintien en vie tandis que son épouse Rachel et le reste de la famille militent pour l’arrêt complet des traitements. Le 16 janvier dernier, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne avait en tout cas jugé que « la poursuite du traitement n’était ni inutile, ni disproportionnée et n’avait pas pour objectif le seul maintien artificiel de la vie et a donc suspendu la décision d’interrompre le traitement ». Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que les parents du patient se battaient pour qu’il soit nourri et hydraté : en mai 2013, ils avaient découvert que leur fils ne bénéficiait plus de ces soins de base depuis trente et un jours, et cela sans qu’ils aient été mis au courant. L’affaire avait été portée devant la justice et les soins avaient repris. Le docteur Kariger, médecin de Vincent Lambert favorable à l’euthanasie passive de son patient, n’a pas pour autant cessé ses démarches. La vie de Vincent Lambert est en perpétuelle remise en question depuis huit mois maintenant.
Un débat faussé
« Que fera-t-on de moi si je me trouve dans une telle situation ? » C’est la question que se posent les Français face au terrible spectacle de cette famille qui se déchire pour savoir si l’on injectera ou non la dose létale à celui qui est fils, frère, époux, oncle et patient. Le débat sur l’euthanasie n’inquiète pas seulement les personnes âgées et pour cause, Vincent Lambert est trentenaire… Ni cancer, ni maladie rare, c’est un accident de la circulation qui l’a plongé dans le handicap : comment ne pas se projeter dans une telle situation ? Alors, dans une société où l’interdit de tuer est négociable, toute la question est de savoir qui décidera de la vie ou de la mort du malade s’il n’est plus en état de se prononcer lui-même.
L’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité (ADMD), fer de lance du combat pour l’euthanasie, propose un système d’enregistrement des directives anticipées. Si la loi Leonetti n’oblige pas le corps médical à observer ces directives coûte que coûte, elles sont en tout cas censées aider à la prise de décision. Une manière de se rassurer, même si beaucoup de ceux qui ont l’expérience de l’accompagnement de la fin de vie affirment que les bien-portants ne peuvent juger de ce qu’ils voudront s’ils souffraient. En attendant, l’ADMD revendique plus de 1 200 adhésions en quinze jours suite aux récents rebondissements de l’affaire Vincent Lambert… C’est dire combien l’avis de beaucoup de Français sur le droit à la vie est guidé par l’émotion ou la peur.
Quoiqu’il en soit, la décision que rendra le Conseil d’État la semaine prochaine revêt une importance capitale et pèsera lourd dans la balance lors du débat parlementaire sur la fin de vie.