Le père Yannik Bonnet est décédé vendredi dernier, le 16 mars, des suites de son cancer.
Né en 1933 à Paris, polytechnicien, employé de Rhône-Poulenc pendant plus de 20 ans, directeur de l’École supérieure de chimie de Lyon, chef d’entreprise de conseil en management, père de sept enfants… Une belle carrière, une vie déjà bien remplie, mais pas vraiment un profil de prêtre. Pourtant, en 1994, accompagnant sa femme gravement malade, en pèlerinage à Lourdes, Yannik Bonnet ressent l’appel de la vocation sacerdotale. Sa femme décédera en 1995. Quatre ans plus tard, en juillet 1999, Yannik Bonnet est ordonné dans la cathédrale du Puy-en-Velay, le père de famille devient prêtre. Il a été nommé recteur du sanctuaire Saint-Joseph d’Espaly où il effectua la majeure partie de son sacerdoce. À sa retraite il s’était installé à Carnac en Bretagne, il y rendait différents services.
Cet homme au parcours hors du commun était un contributeur fidèle de l’Homme Nouveau depuis 2005. Nous vous livrons ci-dessous sa dernière chronique, il s’agit ici du ou de l’un des derniers écrits du père Bonnet.
Sa bienveillance et sa joie profondément enracinée dans l’Espérance chrétienne manqueront à notre journal et à toute l’équipe de L’Homme Nouveau. Nous prions pour lui et pour tout ceux qui lui sont proches.
Comment pouvez-vous dire que tout est grâce ?
Les chrétiens sont souvent interpellés à propos de cette phrase, qui fait partie de la sagesse populaire… chrétienne. Et de fait, il est facile de débiter la liste de tout ce qui ne va pas dans notre monde. Le premier réflexe du sage consiste à poser une question à l’interlocuteur : pouvez-vous me dire les critères de jugement dont vous vous servez pour décréter ce qui va et ce qui ne va pas dans notre bas monde ? On peut en effet évaluer l’impact d’un évènement ou la valeur d’une action, de bien des façons.
Avant de porter un jugement, il faut toujours prendre le temps d’analyser la situation, qui peut s’avérer plus complexe qu’on ne l’imaginait.
Le deuxième réflexe consiste à faire remarquer que nous ne connaissons pas l’avenir et que l’histoire, merveilleuse rallonge à notre courte expérience de la vie, nous montre que c’est souvent l’imprévisible qui se produit et qui infirme les pronostics optimistes ou pessimistes, que nous nous étions aventurés à faire !
Et c’est à ce niveau que s’opère une différence profonde entre l’incroyant et le chrétien. C’est bien notre foi qui affirme à notre raison que le Dieu que nous adorons « est » Amour, qu’Il ne peut vouloir pour nous que le bonheur pour lequel Il nous a créés, celui d’une vie éternelle où Il nous comblera de sa tendresse infinie. Le chrétien ne méprise pas la vie terrestre, mais il sait qu’elle n’est qu’un passage pour nous conduire à la vie éternelle. Il dépend de nous qu’elle nous permette d’accéder à ce bonheur que, seul, notre Dieu peut nous donner et pour lequel Il s’est fait homme, allant jusqu’à mourir sur une Croix par pur Amour. Dans cette perspective, le chrétien convaincu sait bien que sa manière d’évaluer les évènements diffère profondément de celle des incroyants.
Autant pour ce qui concerne les actes des personnes, il est tout à fait possible de trouver des points de convergence avec les incroyants, car il y a une morale « naturelle », accessible à tous les hommes de bonne volonté, autant pour ce qui concerne la « marche du monde », c’est beaucoup plus ardu. Car, pour le croyant, l’essentiel est de parvenir à la vie éternelle et, de ce fait, il évalue la vie terrestre en fonction de critères religieux, c’est-à-dire de relation avec ce Dieu, qui l’aime au point d’avoir subi volontairement une souffrance indicible pour le sauver.
Dès lors l’expression « tout est grâce » prend tout son sens : Dieu qui est Amour – et pour lequel le temps n’existe pas – agit en permanence pour le salut éternel de ses chères créatures. Ce salut éternel nécessite peut-être des épreuves, qu’à vue humaine nous pensons injustes, insupportables, inhumaines. Nous oublions que Dieu sait mieux que nous tirer du Bien de ce qui est objectivement un mal : pensons aux horreurs perpétrées pendant les guerres, aux régimes politiques totalitaires et, plus proches de nous, aux horribles « faits divers » relatés par nos médias. Nombre de drames ont paradoxalement été à l’origine de conversions humainement impensables, ce qui confirme la puissance de la grâce divine. Je pense au procès des criminels de guerre, à Nuremberg, pendant lequel l’un d’entre eux a vécu un retournement total, approuvant sa condamnation à mort par pendaison en la considérant comme une grâce aussi merveilleuse qu’imméritée. La grâce divine ne fait jamais défaut.
Père Yannik Bonnet
Ses obsèques auront lieu mardi 20 mars à 14h30 à l’église Saint-cornely (Carnac)