Au cours du synode sur la jeunesse, le Pape a canonisé six bienheureux, dont le pape Paul VI et Mgr Romero. Avant de commenter l’homélie de la messe, il est bon de faire une remarque préliminaire. Quand l’Église canonise un bienheureux par un jugement infaillible du seul pontife romain, elle n’entend pas approuver tous les actes du saint. Elle affirme simplement qu’il est au Ciel (alors qu’elle ne se prononce jamais nommément pour l’enfer qui existe pourtant) et que, soit il a pratiqué les vertus de façon héroïque, soit il est mort en haine de la foi. Être au Ciel où se trouve le vrai bonheur en présence de Dieu, n’est-ce pas finalement ce que recherche, plus ou moins consciemment, tout humain ici-bas ? Pour y parvenir, les chrétiens savent qu’il faut imiter le Christ, s’unir à lui par la lecture de la Parole de Dieu, la prière, la vie sacramentelle et la charité effective, en aimant son prochain comme soi-même, Le jeune homme riche de l’Évangile était bien tourmenté par cette question. C’est pourquoi il s’est adressé à Jésus qui, note le texte évangélique, « fixa le regard sur lui et l’aima ». Jésus lui propose alors un chemin de radicalité qui l’effraie, car « il possédait de grands biens ». Désorienté devant le sacrifice qui s’annonce, il préfère se retirer. Dieu nous aime toujours, même si nous ne voulons pas vivre avec lui une histoire d’amour, car finalement c’est bien de cela qu’il s’agit. Mais Dieu a créé l’homme libre, c’est-à-dire capable de refuser cet amour au risque de se saccager soi-même pour l’éternité.
« Il possédait de grands biens. » Devant les exigences de Jésus, la richesse s’avère dangereuse, non qu’elle soit mauvaise en elle-même puisque celui qui avait dix talents est déclaré bon serviteur, à l’inverse de celui qui n’en avait qu’un. Mais il est difficile à un riche de ne pas être étouffé par l’argent et tous les plaisirs qu’il facilite. Quand on place l’argent au centre de sa vie, il n’y a plus de place pour Dieu. Dieu est un Dieu jaloux qui certes donne tout, mais à la condition unique et sine qua non de tout donner, de tout larguer pour lui. Comme le remarque le Pape, Jésus ne se contentera jamais d’un pourcentage d’amour. C’est tout ou rien, comme l’a si bien compris sainte Thérèse de l’Enfant Jésus. C’est ce qu’avait compris aussi Paul VI en signant son encyclique prophétique Humanæ vitæ. Il n’a pas recherché là une demi-mesure, mais a servi héroïquement l’Évangile de la vie, au prix d’immenses souffrances, pratiquement seul contre tous et ne reculant pas devant les incompréhensions voire les révoltes qu’il sentait venir. C’est pourquoi, je regrette personnellement que le Pape n’ait pas fait mention de cela, se contentant de notions simplement générales. Dieu nous offre à tous un choix : Lui ou Mammon. Demandons-nous en conscience de quel côté nous nous situons, rectifiant au besoin le tir. Cela vaut la peine de jouer à fond l’histoire d’amour avec Jésus. Demandons au Seigneur par Marie la grâce de tout quitter pour lui, loin de la triste mondanité et de l’autosatisfaction égoïste.
« Il s’en alla tout triste ». L’argent empêche de donner l’essentiel, son cœur. Le jeune homme avait pourtant rencontré Jésus qui l’aima, mais au fond il n’était pas libre. Citant Paul VI, seul Pape à avoir écrit une exhortation apostolique sur la joie, le Pape fait remarquer qu’il s’agit d’une attitude presque générale de nos jours. Nos contemporains sont tristes, car ils n’ont pas découvert Jésus, à l’inverse des saints et de leur Mère.