Du Moyen Âge à nos jours, l’Église a cherché l’adoucissement des mœurs et la protection des populations. Promouvoir la paix sans pacifisme, une doctrine constante dans sa longue histoire. Entretien avec Martin Aurell, historien spécialiste du Moyen Âge.
« Heureux les artisans de paix » : les mouvements pacifistes contemporains ont-ils la même définition de la paix que dans la morale chrétienne ?
G. K. Chesterton disait : « Le monde moderne est plein d’anciennes vertus chrétiennes devenues folles. Elles sont devenues folles, parce qu’isolées l’une de l’autre et parce qu’elles vagabondent toutes seules. » Il s’agit exactement de cela pour certains mouvements pacifistes, devenus trop extrémistes. Il faut évidemment apprendre à se maîtriser sur le plan personnel et également collectif. Les responsables politiques ont le devoir de contrôler leur pouvoir militaire afin de limiter les conflits. Dans l’histoire de l’Église, on retrouve cette tradition de recherche de la paix. Par exemple saint Bernard ou saint François d’Assise ont œuvré à pacifier les princes territoriaux et les communes urbaines. Cependant, il faut armer les peuples : « Si vis pacem para bellum », disaient fort justement les anciens Romains. La nature humaine est blessée par le péché originel et il serait utopique d’imaginer que la guerre puisse disparaître complètement. Au cours de la guerre froide, il y a eu des programmes de désarmement et la diplomatie a permis d’éviter de nombreux conflits. Que cela nous plaise ou pas, s’armer pour parer à une attaque extérieure reste toutefois l’un des moyens les plus efficaces pour empêcher la guerre.
Quelles sont les principales doctrines militaires observées à notre époque ?
Depuis la Révolution française, et tout au long du XIXe siècle, il y a eu un grand bouleversement dans les théories sur la guerre. En particulier, Carl von Clausewitz (1780-1831), théoricien militaire prussien, écrit au début du XIXe siècle : « La guerre n’est que le prolongement de la politique par d’autres moyens. » Autrement dit, la guerre a des conséquences globales. Ce penseur a également développé le concept de « guerre absolue », mobilisant toutes les ressources d’une nation, notamment la levée en masse des hommes aptes à combattre. Cette théorie s’oppose à la pratique militaire plus ponctuelle des périodes précédentes. De nos jours, l’utilisation de l’arme nucléaire à Hiroshima et Nagasaki en 1945 pour…