De loin, il aperçoit la haute clôture qui l’enfermera et le séparant du monde. Inéluctablement, l’angoisse grandit à la vitesse du véhicule qui s’avance vers le lieu de sa peine. Pourtant, ce n’est pas la première fois. Il est un habitué, un vétéran, un dur. Mais pourtant, sans qu’il ne le montre, la blessure est profonde. Pour revenir si souvent, c’est qu’il doit être un récidiviste.
Récidiviste, il l’est. À chaque retour la contrition grandit. Pour qu’on le ramène si souvent ici, derrière ces grilles, c’est qu’il doit avoir fait quelque chose de mal.
Il regrette son crime, bien qu’il ne sache pas exactement en quoi il consiste. Un bon avocat l’aurait probablement sauvé en plaidant la non-responsabilité criminelle car il ne comprend pas bien les notions de bien et de mal. Mais personne ne pensera à plaider pour lui.
Il sent qu’il dérange
Au fond, bien que confusément, il sent qu’il dérange, qu’il n’est pas en phase avec le monde qui l’entoure. Il est en dépendance et fait obstacle à liberté.
Cette femme qu’il aime de tout son cœur… Il ne voulait pas lui faire de mal… Il ne voulait pas être un boulet. Il sait qu’il lui a pourri la vie et il faut qu’il paye.
Les chefs d’accusations, bien qu’implicites, pourrait se résumer ainsi :
Le prévenu, François, a fait souffrir Marie, cette femme qu’il aime. Il lui a causé des sévices physiques, freiné son indépendance, limité son émancipation et nuit gravement à son autonomie financière.
La société a tout arrangé pour punir pareil coupable et permettre à la victime de retrouver son égalité mis à mal.
Encore ce matin, on amène le petit François, deux ans, faire son temps à la crèche.