Encore un effort camarade

Publié le 04 Juin 2008
Au quotidien n° 247 : état de droit et refondation politique L'Homme Nouveau

L’extrême-gauche française est en pleine mutation actuellement, dans l’espoir de trouver, enfin, le moyen de faire la grande révolution. Dans un débat avec Ségolène Royal, publié par le dernier numéro de Marianne, Olivier Besancenot répond à la question du rejet de toute forme de propriété privée.

Réponse surprenante :
« Vous rejetez toute forme de propriété privée ?
O.B. : Le capitalisme a eu ce talent de mettre dans nos esprits sur un pied d’égalité la propriété individuelle à usage personnel ou familial (la voiture, la maison de campagne, etc.) et la propriété privée des grands moyens de production. Moi, je veux que le fruit du travail de tous revienne entre les mains de tous. »

Comment ne pas être en accord avec un tel discours ? Pour un peu, on pourrait croire qu’Olivier Besancenot a lu les auteurs distributistes anglais, comme Chesterton ou Hilaire Belloc.

N’ayons crainte ! Les « distributistes » anglais voulaient simplement mettre en application la doctrine sociale de l’Église telle qu’elle avait été renouvelée par Léon XIII à partir de son encyclique Rerum Novarum. Ils mettaient en cause les grandes puissances financières et industrielles qui tiraient du développement économique davantage de profits que leurs employés.

Ils critiquaient fermement le renversement qui s’est opéré à la fin du XIXe siècle et qui mettait l’État sous la tutelle des puissances d’argent, qui représentaient des féodalités modernes, incontrôlables.

Surtout, ils préconisaient, derrière le Souverain pontife, que la société et que l’économie se restructurent autour de la famille et que le plus grand nombre d’hommes devinssent propriétaires. Très en avance sur leur temps, ils estimaient que le premier but de la vie n’est pas de participer au développement économique pour engranger sans cesse des bénéfices, non redistribués la plupart du temps, mais de subvenir au bien des familles. D’un point de vue matériel, mais aussi spirituel, moral, humain. Autant de données qui ne se chiffrent pas et qui ne rentrent pas dans les planifications à grande échelle.

La société qu’ils envisageaient était plutôt rurale et artisanale. Elle ne s’appuyait pas sur la vision dialectique qui a vu depuis le jour. Vision dialectique qui s’est développée en trois mouvements. Premièrement : on fait de l’homme un salarié, c’est-à-dire qu’il ne possède pas son outil de travail et dépend entièrement d’un autre ou d’une structure. Deuxièmement, on sépare l’homme de la femme, remisant d’abord celle-ci dans la réalité ou le rêve de rester à la maison sans emploi. Troisièmement, les féministes se servant de cette situation pour dénoncer la réduction de la femme, militent pour que la femme devienne à son tour une salariée. Ainsi, homme et femme ne travaillent plus ensemble pour la famille. Les enfants notamment sont confiés aux collectivités locales, jugées plus aptes à s’en occuper. La famille est disloquée, les parents ne possèdent plus l’outil de production.

La vision des distributistes étaient plutôt que homme et femme travaillent ensemble au bien commun de la famille, dont ils ont la responsabilité, trouvant la souplesse d’organisation nécessaire selon les circonstances. Vision d’une société tout à fait autre que celle que nous connaissons.
Est-ce cette société que désire Oliver Besancenot ? Absolument pas ! Il en est resté au dirigisme socialiste, rebaptisé « démocratie socialiste ». Il ajoute, en effet, après son développement sur la propriété privée : « Et ça implique la démocratie socialiste avec la révocabilité des élus et une économie dont on anticipe la satisfaction des besoins démocratiquement ».
Face à l’ultra-libéralisme qui développe une situation qui fait que seuls quelques-uns sont propriétaires et face au socialisme qui estime que seul l’État doit l’être, les distributistes estimaient que tous devaient être propriétaires.

Soulignons à ce titre, deux rappels du Compendium de la Doctrine sociale de l’Église. On se reportera aussi sur les chapitres concernant la propriété privée :
« 334 L’objet de l’économie est la formation de la richesse et son accroissement progressif, en termes non seulement quantitatifs, mais qualitatifs: tout ceci est moralement correct si l’objectif est le développement global et solidaire de l’homme et de la société au sein de laquelle il vit et travaille. En effet, le développement ne peut pas être réduit à un simple processus d’accumulation de biens et de services. Au contraire, la pure accumulation, même si elle se faisait en vue du bien commun, n’est pas une condition suffisante pour la réalisation d’un authentique bonheur humain. En ce sens, le Magistère social met en garde contre le piège que cache un type de développement uniquement quantitatif, car « la disponibilité excessive de toutes sortes de biens matériels pour certaines couches de la société, rend facilement les hommes esclaves de la “possession” et de la jouissance immédiate (…). C’est ce qu’on appelle la civilisation de “consommation” ».

335 Dans la perspective du développement intégral et solidaire, on peut correctement apprécier l’évaluation morale que fournit la doctrine sociale sur l’économie de marché ou, simplement, économie libre: « Si sous le nom de “capitalisme” on désigne un système économique qui reconnaît le rôle fondamental et positif de l’entreprise, du marché, de la propriété privée et de la responsabilité qu’elle implique dans les moyens de production, de la libre créativité humaine dans le secteur économique, la réponse est sûrement positive, même s’il serait peut-être plus approprié de parler d’“économie d’entreprise”, ou d’“économie de marché”, ou simplement d’“économie libre”. Mais si par “capitalisme” on entend un système où la liberté dans le domaine économique n’est pas encadrée par un contexte juridique ferme qui la met au service de la liberté humaine intégrale et la considère comme une dimension particulière de cette dernière, dont l’axe est d’ordre éthique et religieux, alors la réponse est nettement négative ».701 C’est ainsi qu’est définie la perspective chrétienne quant aux conditions sociales et politiques de l’activité économique: non seulement ses règles, mais aussi sa qualité morale et sa signification. »

Le Compendium de l’Église catholique est accessible sur le site du Vatican.

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