Entretien avec Grégor Puppinck sur les manifestations du printemps

Publié le 27 Mar 2013
Entretien avec Grégor Puppinck sur les manifestations du printemps L'Homme Nouveau

Entretien avec Grégor Puppinck, directeur de l’European Centre for law and Justice (ECLJ)

Il était prévu que vous interveniez sur le podium de la Manif pour tous le 24 mars dernier mais vous n’avez pas prononcé votre discours…

Je le regrette vraiment car j’avais quelque chose à dire ! Les hommes politiques ont afflué à la tribune, certains n’étaient même pas prévus au programme. Ils ont tenu le micro, même ceux qui n’avaient pas grand-chose à dire. En tout cas, merci de diffuser le message que l’adoption, la PMA et la GPA, c’est-à-dire les mères porteuses, et l’endoctrinement scolaire des enfants suivent inévitablement le simple vote du « mariage pour tous ». C’est tout ou rien. Dès lors que l’on ouvre le mariage aux couples de même sexe, c’est une cascade, un effet domino : le droit au mariage entraîne le droit à l’adoption et le droit à la PMA, lequel entraîne à son tour le droit à la GPA. Quant au droit des parents d’éduquer leurs enfants dans le respect de leurs convictions morales et religieuses, droit pourtant garanti par la Convention européenne, il est resté lettre morte.

Quelle impression retirez-vous de cette manifestation ?

Je suis heureux de cette manifestation historique. Quelque chose a changé en France. La manifestation a montré la force de ce mouvement populaire, la force de l’attachement des Français à la famille. J’ai été impressionné par cette foule, elle était prête à avancer. Parmi les élus eux-mêmes, massés devant le podium, nombreux criaient « Aux Champs-Élysées » ! Avec un million de personnes dans la rue, tout est possible, même « le grand nettoyage de printemps ». Ce ne sont pas des excités qui ont manifesté, c’est le « pays réel ». Ce sont des pères et des mères de familles qui en ont assez de l’idéologie néo-marxiste que les médias et le gouvernement veulent leur imposer. 

Ils en ont aussi assez du chômage, du déficit public, de l’illettrisme et des taux d’impositions confiscatoires que cette même idéologie engendre. Alors si en plus, le gouvernement veut toucher aux enfants, en faire une marchandise, un droit, et les endoctriner, ça ne passe pas. La famille, déjà très fragilisée, est l’ultime ressource de notre société ; avec l’échec de l’école, la crise culturelle et économique, la société ne tient plus que grâce à la famille, et pourtant elle est méprisée. Si on casse la famille, tout s’effondre, y compris notre liberté. Tant qu’il y a la famille, il y a de l’espoir et de l’avenir.

J’ai le sentiment que c’est pour cela que nous avons manifesté – pas seulement pour envoyer un message au Président Hollande. C’est pour demander un retour au réalisme en toutes choses, la famille, la filiation, mais aussi l’éducation, l’école, l’économie, la finance, les retraites, etc. : « On veut du boulot, pas du mariage homo ! »

Jusqu’à la crise, la société a cru pouvoir devenir virtuelle, se financer à crédit, croître indéfiniment, produire toujours plus. Nous avons cru que la virtualité nous rendrait libres. Le mariage homosexuel appartient au monde de la réalité virtuelle, comme ces pseudo-filiations fondées sur le mensonge ou le secret et établies avec des donneurs anonymes par PMA ou GPA : c’est le monde virtuel du désir égoïste et de la technologie. Ce sens des réalités que nous avons perdu pour une jouissance illusoire, la crise économique est en train de nous le rendre en partie pour l’économie, et les manifestations familiales vont j’espère nous le rendre aussi pour la vie sociale, en particulier pour la famille et l’école.

Il faudrait maintenant que la manifestation ouvre de véritables perspectives capables d’orienter de façon constructive ce mouvement de contestation qui grandit depuis près d’un an. Quand les pères et mères de familles manifestent au contact des CRS, c’est que la crise est profonde et elle l’est : quelle France ? Quel avenir pour nos enfants ? En tout cas, pas celui de Christiane Taubira et de Pierre Bergé.

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Comment envisagez-vous l’avenir de la mobilisation ?

La dynamique du mouvement augmente à chaque manifestation ; il faut continuer à manifester, coup sur coup. Il faut maintenant être constructif. Il faudrait que des personnalités émergent pour structurer ce « printemps français » et lui donner une perspective. Ce mouvement est puissant, il doit devenir constructif, et viser une véritable refondation sociale, et pas seulement une victoire électorale prochaine.

Il faut rester au-dessus du jeu des partis, et aller au fond des choses, y compris de la réflexion, dans la lucidité. L’idéologie, c’est le contraire de la lucidité et du réalisme. C’est elle qui nous empêche de voir le monde tel qu’il est, et de répondre aux véritables besoins humains. J’ai apprécié que l’on ait donné la parole à cette branche lucide de l’extrême gauche qui n’a pas confondu la liberté avec le libéralisme. La Marseillaise a été chantée par tous avec conviction, comme jamais je ne l’avais entendue et chantée. Les paroles de la Marseillaise ont pris toute une signification évidente dans le combat : enfants, patrie, tyrannie, marchons… Il faut cultiver cette union.

Pour l’avenir immédiat, il faut éviter la récupération et la stérilisation de ce mouvement par une approche purement politicienne dans la perspective des prochaines élections… En tout cas, il est trop tôt pour cela. Solidarnosc n’est devenu un parti classique qu’après la Révolution ! Et nous n’avons pas encore remporté la victoire culturelle ; c’est elle qu’il faut viser. Cela dit, dans le monde politique, il est excellent que de bonnes personnalités pro-famille comme Hervé Mariton acquièrent actuellement une vraie stature de premier plan. Il est temps que l’on redécouvre que les Français sont attachés à la famille, et que leur désir d’avenir n’est pas qu’un slogan, mais passe par la restauration d’une politique réaliste et responsable.

mere porteuse

Nous reproduisons ci-dessous, avec son autorisation, le discours qu’aurait du prononcer Grégor Puppinck le 24 mars…

Mariage – Adoption – PMA – GPA – Endoctrinement des enfants : c’est tout ou rien

Il ne faut rien lâcher ! Si on lâche sur le mariage homosexuel, tout va suivre, l’adoption, la Procréation Médicalement Assitée (PMA), la Gestation Pour Autrui (GPA) et l’endoctrinement sexuel des enfants !

Il faut bien comprendre que l’adoption, la PMA et la GPA , c’est-à-dire les mères porteuses, suivent inévitablement le simple vote du « mariage pour tous ». Il est vain de dire « j’accepte le mariage, mais pas le reste ».

C’est tout ou rien : A cause de la Cour européenne des droits de l’homme, dès lors que l’on ouvre le mariage républicain aux couples de même sexe, c’est une cascade, un effet domino : le droit au mariage entraîne le droit à l’adoption et le droit à la PMA , lequel entraine à son tour le droit à la GPA.

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) est la plus haute instance judiciaire européenne ; ses décisions s’imposent sur les 47 Etats membres du Conseil de l’Europe, de l’Islande à l’Azerbaïdjan. Il n’y a pas de pouvoir humain au dessus d’elle ; elle peut censurer des lois adoptées par referendum, elle peut condamner des Etats à changer même leur constitution.

PMA

Pour la Cour européenne, le droit à la PMA est automatique : dès lors qu’elle est autorisée aux couples mariés, elle doit l’être à tous sans distinction entre couples mariés homosexuels et hétérosexuels. Les couples de femmes pourront avoir accès à la PMA dans les mêmes conditions que les couples hétérosexuels. La Cour européenne interdit toute différence de traitement dans l’exercice du « droit de procréer en ayant recours à la PMA ».

 GPA (mères porteuses)

Pour les couples d’hommes, la légalisation du recours aux mères porteuses, c’est-à-dire à la GPA est très probable. Il y a déjà en ce moment trois affaires devant la CEDH ; deux contre la France et une contre l’Italie. A cause de la circulaire Taubira, qui reconnaît la filiation des enfants nés par GPA pratiquées à l’étranger, l’interdiction de la GPA en France est très compromise, car Christiane Taubira a cassé volontairement la cohérence du droit français. Comment la France va-t- elle justifier devant la Cour européenne l’interdiction de la GPA en France, alors que nous l’acceptons lorsqu’elle est pratiquée par des français à l’étranger ? La Cour dira que cette interdiction est hypocrite, et qu’elle doit donc être supprimée ! La GPA , c’est de la prostitution et de la vente d’enfant : c’est une honte. Il faut savoir qu’en Europe de l’Est, là où elle est pratiquée, le business de la GPA est géré par les réseaux mafieux.

L’Adoption homosexuelle

Au mois de février dernier, la Cour européenne a condamné l’Autriche à légaliser l’adoption au sein des couples de mêmes sexes, dans une affaire où la compagne homosexuelle de la mère d’un enfant veut se substituer au père qui entretient pourtant des rapports réguliers avec son fils. Et bien, la Cour , plutôt que de reconnaître que cet enfant n’est pas adoptable car il a sa mère et son père, elle a imposé aux Etats de renoncer à lafamille naturelle fondée sur les parents biologiques comme modèle de référence de la famille. Elle a jugé – et cela s’impose à tous les Etats – qu’il n’est pas préférable en soi pour l’enfant d’avoir sa filiation établie envers son père et sa mère plutôt que envers deux femmes ou deux hommes ! L’Autiche est maintenant obligée de changer sa législation en sorte qu’un enfant puisse avoir deux pères ou deux mères. Pourtant, le droit international dit très clairement que tout enfant a « dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d’être élevé par eux » et le droit« de préserver son identité, y compris sa nationalité, son nom et ses relations familiales » (articles 7 et 8 de la Convention relative aux droits de l’enfant).

Le Gender

Cette tendance idéologique de la Cour n’est pas nouvelle, déjà, il y a dix ans, elle a adopté la théorie dugender dans une affaire de mariage transsexuel. Dans le but de pouvoir déclarer que les personnes transsexuelles ont un droit fondamental à se marier avec une personne du même sexe biologique – alors que la Convention ne garantit que le droit « à l’homme et à la femme » de se marier ensemble, la Cour a dit qu’elle « n’est pas convaincue que l’on puisse aujourd’hui continuer d’admettre que ces termes impliquent que le sexe doive être déterminé selon des critères purement biologiques ». En cela, elle a substitué le concept de « genre » (gender) à la réalité sexuelle, et elle a obligé les 47 Etats européens à autoriser le mariage transsexuel, mais la petite ile de Malte fait de la résistance, elle est maintenant poursuivie devant la CEDH !

Les Droits des parents

Si nous sommes ici aujourd’hui, c’est d’abord et avant tout pour les enfants, pour nos enfants : c’est pour lutter contre un Gouvernement qui veut endoctriner nos enfants avec l’idéologie néo-marxiste de Pierre Bergé , Christiane Taubira, Vincent Peillon et de Jean-Pierre Michel. Comme dans tous les pays totalitaires, ils veulent utiliser l’école pour voler nos enfants. N’est-ce pasVincent Peillon qui déclare que « le gouvernement s’est engagé à s’appuyer sur la jeunesse pour changer les mentalités, notamment par le biais d’une éducation au respect de la diversité des orientations sexuelles » et Christiane Taubira qui avoue que « Dans nos valeurs, l’Education vise à arracher les enfants aux déterminismes sociaux et religieux et d’en faire des citoyens libres ».

Il faut savoir que en Allemagne, des parents de jeunes élèves ont fait de la prison pour avoir refusé d’envoyer leurs enfants à des cours obligatoires d’éducation sexuelle et morale organisés à l’école. Je dis bien que les parents ont été condamnés à de la prison ferme ! Et bien que croyez-vous qu’il arriva ? La Cour européenne des droits de l’homme a trouvé cela très bien, au nomde la nécessité « d’intégrer les minorités et d’éviter la formation de « sociétés parallèles’’ motivées par la religion ou l’idéologie ».

Les « sociétés parallèles » ce n’est pas nous, nous sommes plus d’un million rassemblés ici, au contraire, les« sociétés parallèles », ce sont eux, c’est cette oligarchie internationale à la fois néo-marxiste et ultra-libérale qui veut nous imposer sa conception mortifère et marchande de l’individu et de la société. Est-ce que c’est nous qui représentons un danger pour la société et qu’il faudrait soumettre à l’idéologie ?

Je dis que ce sont les idéologues qu’il faut soumettre à la réalité, et la première réalité, c’est que tout enfant a un père et une mère ; c’est le moment de ne rien lâcher !

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