Le débat sur la fin de vie se poursuit, il s’intensifie même puisque le professeur Didier Sicard rendra le 18 décembre prochain les conclusions du rapport que lui a demandé le gouvernement sur la question.
Le 21 novembre dernier, le Français et député européen Philippe Juvin, du Parti populaire européen (PPE) organisait un débat sur l’euthanasie au Parlement européen. Furent donc réunis à sa demande le député belge Anne Delvaux, le député luxembourgeois Frank Engel (tous également membres du PPE), ainsi que Jean-Luc Romero, président de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD).
Philippe Juvin ne cache pas son hostilité à l’égard d’une possible légalisation de l’euthanasie mais il tenait à entendre les arguments des représentants de deux pays l’ayant légalisée et du président de l’un des plus importants lobbys français en faveur d’une modification de la loi sur la fin de vie. Plus qu’un simple débat, cette rencontre devait permettre aussi de dresser un bilan de la légalisation de l’euthanasie puisque la Belgique en 2002 et le Luxembourg en 2009 l’ont légalisée.
Le combat de Jean-Luc Romero est connu, le militant est toujours aussi engagé en faveur de la légalisation de l’euthanasie. La sympathie qu’il affiche pour le développement des soins palliatifs n’est que partie prenante de la mentalité qui anime les militants pro-euthanasie : pouvoir choisir comment mourir. Être accompagné jusqu’à sa mort naturelle et bénéficier de soins ne devrait pas selon ces derniers être la norme mais une option parmi d’autres.
Les bilans dressés sur la Belgique et le Luxembourg étaient prudents, quoique aucun des deux députés ne soit favorable à l’abrogation de la loi. Si la légalisation de l’euthanasie a permis dans ces deux pays de remettre à l’honneur la question de la fin de vie, donc de développer l’accompagnement des mourants, les dérives sont incontestables. Les gouvernements sont conscients que le nombre d’euthanasies déclarées est bien en deçà du chiffre réel. Et pour cause, la loi est relativement stricte, compliquée à mettre en œuvre en raison des démarches administratives qu’elle implique. Être majeur et incurable au point que la douleur physique et morale ne puisse plus être apaisée : ce sont deux des principaux critères permettant de recourir à l’euthanasie et qui contrarient une partie du personnel soignant. Aussi l’idée de l’euthanasie pour les mineurs fait-elle doucement son chemin dans les esprits en Belgique depuis quelques années tandis que certaines euthanasies sont déjà pratiquées illégalement au seul motif de la souffrance psychique.
Philippe Juvin sait bien que ces dérives sont sans doute les conséquences inéluctables de la légalisation de l’euthanasie et/ou du suicide assisté. Il s’inquiète à juste titre de ce que pourrait entraîner l’euthanasie pour le seul motif psychique dans un pays comme la France où la dépression nerveuse est répandue et mal prise en charge.
Autre crainte des Français qui ne sont pas favorables au suicide assisté : le Code civil semble ne pas interdire cette pratique, comme le relève le quotidien La Croix, si trois conditions sont réunies. « En France, aujourd’hui, une personne qui fournit à une autre les moyens de se suicider (un médecin qui fournit un produit létal, par exemple) ne sera pas poursuivie, à condition toutefois que trois conditions soient réunies. Il faut qu’il n’y ait pas eu de “provocation” au suicide (article 223-13 du code pénal). Il faut qu’il n’y ait pas eu “propagande” ou “publicité” (article 223-14), ce qui exclut la création d’une association proposant l’assistance au suicide (…). Il faut qu’il n’y ait pas eu d’ “abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de la situation de faiblesse, soit d’un mineur, soit d’une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur, soit d’une personne en état de sujétion psychologique ou physique résultant de l’exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement ” (article 223-15-2). »
La France, au-delà de la gravité morale que représente l’euthanasie, est-elle prête pour légiférer à nouveau ? La loi Léonetti date de 2005 seulement. Ils sont encore trop peu nombreux ceux qui connaissent si ce n’est son contenu, au moins son existence. La prudence voudrait qu’on laisse au pays le temps de mettre en application la loi avant de dire qu’elle est insuffisante.