Face à la crise de l’enseignement scolaire au Liban, des associations se mobilisent.

Publié le 17 Juil 2020
Face à la crise de l’enseignement scolaire au Liban, des associations se mobilisent. L'Homme Nouveau

Alors que des dizaines d’écoles chrétiennes sont menacées de fermeture à la rentrée prochaine du fait de leur déficit important, « Le Comité de sauvegarde des écoles du Liban », créé par la Fondation Raoul Follereau, l’Œuvre d’Orient et l’Institut Européen de Coopération et de Développement propose une aide d’urgence pour maintenir un maximum d’établissements scolaires ouverts. Au Liban les écoles chrétiennes sont en effet nécessaires à l’unité du peuple libanais.
 

Entretien avec Roger Khairallah, Responsable des projets de la Fondation Raoul Follereau au Moyen-Orient.
Propos recueillis par Odon de Cacqueray

Quel est la situation de l’enseignement au Liban aujourd’hui ? 

Les écoles au Liban sont à 70% privées, payantes. Les écoles publiques ne sont pas à la hauteur de l’éducation que souhaitent les libanais. Suite aux guerres que nous avons traversées, à la crise économique et à la crise libanaise plus largement, le secteur de l’enseignement a été complètement délaissé par l’Etat. Dans les écoles publiques il n’est pas rare de voir plus de 40 élèves par classe, le suivi n’est pas sérieux. 

Le système scolaire est donc basé sur l’enseignement privé. Une grande majorité des écoles privées ont été fondées par des congrégations religieuses, souvent étrangères, française principalement. L’enseignement fourni par ces écoles est dans les meilleurs du monde, trilingue (français, anglais, arabe). Mais là où originellement ces écoles étaient à destination des pauvres, désormais les scolarités sont élevées et donc à destination d’un public plus aisé. 

À côté de ces écoles privées, existent des écoles dites « semi-privées » dédiées aux pauvres de la région. Héla, les difficultés pour encaisser les frais de scolarité ont conduit à la fermeture d’une bonne partie de ces écoles. Il n’en reste qu’une poignée disséminée dans les montagnes. Ces écoles sont normalement subventionnées par l’État libanais, mais depuis cinq ans l’Etat ne verse plus d’argent, les écoles subsistantes sont donc menacées. 

Quel est la part des écoles confessionnelles au Liban ? 

Les écoles privées étaient toutes catholiques à l’origine. Ce sont les congrégations qui ont développé les moyens d’éducation au Liban. Tous les élèves d’où qu’ils viennent, druzes, sunnites, etc. étaient scolarisés et le sont encore dans les écoles et les universités catholiques. Les partis politiques constatant le succès de ces écoles ont monté leurs propres écoles et universités confessionnelles. Cependant, les écoles catholiques sont les seules garantes de l’unité nationale puisqu’elles sont les seules à transmettre les valeurs patriotiques. Le confessionnalisme déchire le Liban. 

Aujourd’hui les congrégations religieuses sont-elles encore à la tête des établissements scolaires ? 

En majorité oui, les religieuses sont toujours présentes, dans la direction, parfois dans l’économat, mais elles sont accompagnées de laïcs. Les décisions importantes continuent d’être prises en congrégation. Les religieuses, comme les prêtres sont de moins en moins nombreuses, les congrégations religieuses sont de plus en plus aidées par des laïcs. 

Quel rôle souhaite jouer la Fondation Raoul Follereau dans cette crise de l’éducation ? 

Depuis 1998  la Fondation Raoul Follereau est présente au Liban et aide, par le biais de bourses scolaires par exemple, des élèves qui souhaitent intégrer des écoles où le coût de la scolarité peut être un frein à l’inscription. L’enseignement est le seul facteur permettant de sortir de la pauvreté, les bourses de la Fondation assurent un double rôle, l’accès à l’enseignement pour les élèves et la bonne gestion financière des écoles. 

La Fondation souhaite accroitre son accompagnement des établissements en difficulté puisque ce sont des fermetures qui se profilent et lorsqu’un établissement ferme ses portes, ce sont non seulement des élèves qui n’ont plus accès à l’enseignement, mais également des professeurs, du personnel qui se retrouve à la rue, un système qui s’écroule. 

Le Comité de sauvegarde des écoles du Liban, dont la création a été annoncée le 9 juillet en partenariat avec l’Œuvre d’Orient et l’Institut Européen de Coopération et de Développement (IECD) veut venir en aide rapidement aux écoles menacées par une fermeture pour la rentrée prochaine. 

Comment avez-vous accueilli les annonces de l’ambassadeur de France au Liban et de Jean-Yves Le Drian concernant le versement d’aides financières pour soutenir le système scolaire libanais ? 

Les besoins sur le terrain son énormes, toute aide est donc la bienvenue. Je dis souvent que sans la France le Liban ne peut pas respirer, le versement de ces aides financières le confirme. Nous travaillons en lien étroit avec l’Œuvre d’Orient et l’ICDE, nous avons fait des comptes et les sommes à réunir sont très importantes. Dans la liste des 65 écoles en déficit que nous avons dressé, les dettes vont de 200 000 € à 1 million. 

Les Organisations Non Gouvernementales ne peuvent pas faire face à ces besoins. Le pape a fait à deux reprises un don de 200 000 $, une invitation aux autres pays à le suivre. 

Vous levez des fonds dans l’urgence pour que des écoles restent ouvertes à la rentrée 2020. Comment souhaitez-vous améliorer la situation sur le long cours ? 

Sur la liste des 65 écoles dont je vous ai parlé, 30 sont réellement en danger de disparition. Elles seront sujettes à plus d’aide que les autres l’objectif étant qu’elles puissent ouvrir en septembre. A moyen terme un fonds est en cours de création pour continuer à apporter une aide aux écoles. 

Ceci étant si tant d’écoles sont en déficit, ce n’est pas le fruit du hasard. Il y a un problème de gestion des écoles et de mode opératoire. Avec l’Œuvre d’Orient, nous développons un projet consistant à créer une formation spéciale pour former des gestionnaires d’école compétents et des directeurs efficaces. Il est nécessaire de réformer ces écoles pour mieux affronter les défis actuels et garder notre système scolaire hors de dangers futurs. 

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