Face à la crise, un autre regard est nécessaire

Publié le 30 Jan 2012
Face à la crise, un autre regard est nécessaire L'Homme Nouveau

Roumain et orthodoxe, Ovidiu Hurduzeu s’inscrit dans un courant qui s’inspire du distributisme de Chesterton et Belloc, enraciné dans une vision de la chrétienté orthodoxe. Son pays a connu le communisme avant d’être la proie de l’ultra-libéralisme. Il a bien voulu répondre à nos questions. 

Quel regard portez-vous sur la crise économique mondiale et comment celle-ci affecte-t-elle spécifiquement votre pays, la Roumanie ?

Nous nous trouvons aujourd’hui devant une crise généralisée de ce que j’appelle la société technoglobaliste. C’est une société où le système remplace la vie, où l’organisation creuse se substitue à l’organique, la complexité et le gigantisme sapent de l’intérieur l’homme vivant dans sa situation concrète. À la concentration des pouvoirs et des richesses dans les mains d’une technocratie globale correspond une monopolisation des critères de vérité, de toutes les significations humaines. 

Roumanie

Nous ne pensons plus qu’à des technostructures globales, nous ne parlons que ce langage néolibéral de l’« efficiency »

 industrielle et de l’

« austerity »

 financière comme si l’argent et la croissance économique représentaient les seules valeurs véritables. Nous n’avons plus le langage qui nous permettrait de décrire et d’analyser la situation présente en dehors du cadre étroit et sec de l’économisme. Or, ce qu’il nous faut, c’est nous défaire de cette emprise monopoliste que le technoglobalisme exerce sur nos valeurs, nos mœurs et nos comportements. Pour repenser la société à partir d’un point de vue bien différent, il faut témoigner de l’autre dimension de l’homme et se situer par rapport à des réalités ultimes. C’est seulement ainsi que l’on pourra prendre du recul, une distance face aux évènements et voir au-delà des masques.

En Roumanie, la crise a engendré un ébranlement des justifications mensongères, des hypocrisies et des calculs de la nouvelle « société de marché ». Malheureusement, il y a encore un fort déguisement médiatique de la condition réelle, un attrait du vide, qui empêche les gens de prendre conscience. Beaucoup de Roumains sont immergés dans une représentation commerçante de la société, s’adonnent au confort le plus matériel et vulgaire – le ventre et l’Ipod passent avant les valeurs ! Après la chute du communisme, ils sont devenus des consommateurs d’illusions, des participants enthousiastes à l’immense mystification néolibérale (dans sa variante kleptocratique) qui est en train de prolétariser le monde et de détruire la nature.

Comment la période postcommuniste s’est-elle déroulée en Roumanie ?

La décomposition du monde communiste a créé des conditions favorables au développement d’une société distributiste (1) des petits propriétaires. Au début des années quatre-vingt-dix, en Roumanie, sous pression populaire, il y a eu une forte action de mutualisation des entreprises de l’(ancien) État communiste. Les premières privatisations étaient pratiquement des mutualisations qui ont transformé les anciens esclaves salariés de l’économie communiste en travailleurs propriétaires. Ni les dirigeants roumains postcommunistes (des cadres du Parti communiste et de la « Securitate »

), ni l’Occident néolibéral ne voulaient une Roumanie distributiste de personnes libres. Dans la nouvelle Europe, la Roumanie devait avoir un statut néocolonial : être un marché pour les produits de l’Occident et un réservoir de force de travail bon marché pour les pays avancés de l’Union européenne (le démantèlement de l’industrie et la destruction de l’agriculture roumaine ont créé trois millions d’émigrants). Le projet mutualiste a été vite remplacé par la « thérapie de choc » néolibérale avec des conséquences désastreuses pour le pays.

Il existait dans votre pays une forte tradition agraire se traduisant politiquement par des engagements en faveur d’une société traditionnelle, ni libérale ni socialiste. Cette tradition perdure-t-elle aujourd’hui encore ?

La Roumanie de la période interbélique (2) était une société traditionnelle avec une économie distributiste. Le secteur coopératif était ample et l’État encourageait l’autonomie économique des paysans et des petites entreprises. Les communistes ont détruit cette économie à l’échelle humaine et l’ont remplacée par le modèle dirigiste de la gigantesque industrialisation communiste. L’expérience distributiste de la période interbélique a été détruite sur le plan institutionnel, mais elle redevient d’actualité comme alternative viable au « capitalisme des désastres ».

Pour découvrir la suite de cet entretien inédit en France, il suffit de commander le dernier numéro de L’Homme Nouveau (n° 1510) 

auprès de nos bureaux (10, rue Rosenwald, 75015 Paris, tél. : 01 53 68 99 77) ou télécharger ce numéro en cliquant sur le lien ci-dessous.

Ce contenu pourrait vous intéresser

À la uneSociété

Peuple, élite et bien commun

L'Essentiel de Joël Hautebert | La victoire de Donald Trump aux États-Unis et les constats dressés à de nombreuses reprises ces dernières années en Europe sur les divergences grandissantes entre le peuple et les élites ne doivent pas amener les catholiques à une vision manichéenne : la défense des valeurs morales naturelles est la boussole vers le bien commun qui évitera de confondre une oligarchie dévouée avec d’une véritable élite.

+

élite peuple
À la uneSociétéÉducation

Difficultés scolaires et troubles cognitifs 

C'est Logique ! de Bruno Couillaud | Le mot « trouble » est désormais commodément employé dans les milieux scolaires pour désigner toutes sortes de difficultés des élèves. Mais l’absence de définition claire de ce mot et son ambiguïté semblent repousser un certain nombre de conduites répréhensibles volontaires dans le domaine de la pathologie, exonérant les éducateurs qui devraient y faire face. 

+

trouble cognitif
SociétéBioéthique

Le débat sur la fin de vie repoussé

L'examen du texte sur la fin de vie, initialement prévu pour le 27 janvier, a été reporté aux semaines des 3 et 10 février, suscitant une incertitude quant à sa forme définitive. Ce projet, soutenu par une partie des députés, vise à légaliser l'euthanasie et le suicide assisté, mais il rencontre une opposition féroce, notamment de la part des soignants, des défenseurs des soins palliatifs et de nombreuses voix chrétiennes.

+

Pour des états généraux de la fin de vie :tribune et pétition du Comité pour la dignité en fin de vie L'Homme Nouveau
Société

Le retour de la Dame de Pierre : un voyage à travers 1000 ans d’histoire

Le 8 décembre 2024, la cathédrale Notre-Dame de Paris, après cinq années de travaux suite à l’incendie dévastateur de 2019, réouvre de nouveau ses portes au public. À cette occasion, un événement majeur rend hommage à l’histoire et à la grandeur de Notre-Dame : le spectacle La Dame de Pierre, qui revient du 20 au 22 décembre 2024 sur les scènes du Palais des Congrès de Paris.

+

la dame de pierre