Face à l’absurde, une philosophie du mystère

Publié le 04 Mai 2024
contre les gentils

Le père Luc Artur, moine de l’abbaye bénédictine du Barroux, après une maîtrise de lettres classiques et une maîtrise en théologie, a consacré son mémoire de maîtrise en philosophie au mystère et à l’absurde. Il en a tiré, avec des ajouts, un livre très clair, fruit d’une vaste recherche (2 573 notes infrapaginales et dix pages de bibliographie) et d’une réflexion qu’il sait faire partager à ses lecteurs. « Rien d’étonnant qu’un moine écrive sur le mystère », écrit l’abbé Bernard Lucien dans la longue préface qu’il a donnée à ce livre. Il souligne qu’« il ne s’agit pas d’une démonstration apologétique en faveur de la Révélation chrétienne. Plus radicalement, l’auteur scrute les soubassements philosophiques d’une telle démonstration. »  Le père Luc examine, de près, la doctrine philosophique sur le mystère que l’on trouve chez saint Thomas d’Aquin, dans les écrits encore peu connus du père Guérard des Lauriers et chez d’autres philosophes et théologiens catholiques (Hans Urs von Balthasar et d’autres). À partir du chapitre 6, après avoir examiné la fameuse formule attribuée à Tertullien (Credo quia absurdum) et l’absurde chez Kierkegaard, Schopenhauer, Nietzsche, il les confronte à la doctrine sur le mystère puis il fait une fine analyse des théoriciens de l’absurde au XXe siècle : Sartre, Camus, Cioran. On ne résumera pas ici toutes les analyses et démonstrations de l’auteur qui conclut : « il est possible de prouver par la raison que la raison elle-même est dépassée, spécialement lorsqu’il s’agit de Dieu ». Le père Luc relève aussi que « le mystère ressemble à l’irrationnel, à l’absurde et au contradictoire, en ce que, comme ceux-ci, il dépasse l’homme ; mais d’autre part il s’oppose à eux, du fait qu’il n’est pas complètement fermé à l’intelligence ». Le mystère n’est pas l’irrationnel, car il y a une « harmonie entre mystère et raison ». Proclamer que le monde, le mal ou l’idée de Dieu sont absurdes peut être une « démission de l’esprit ». En fin d’ouvrage, on trouve un index onomastique et thématique très détaillé (27 pages sur deux colonnes) qui permet une recherche plus précise ou de découvrir des choses qui auraient échappé à une première lecture – par exemple saint Thomas et l’astrologie, évoqués dans une note de la page 118. Le bon livre est celui qui permet de connaître ou de comprendre de nouvelles choses et qui suscite de nouvelles questions. Par exemple, dans la vie mystique, les visions intellectuelles et d’autres phénomènes, comme la transverbération, ne…

Pour continuer à lire cet article
et de nombreux autres

Abonnez-vous dès à présent

Yves Chiron

Ce contenu pourrait vous intéresser

À la uneSociétéPhilosophie

La logique, un antidote à la crise de la vérité

C’est logique ! – Entretien | Dans son nouvel ouvrage Devenir plus intelligent, c’est possible ! (Le Cerf), François-Marie Portes invite à redécouvrir les outils logiques de la tradition antique et médiévale. Pour lui, apprendre à définir, énoncer et argumenter n’est pas réservé aux spécialistes : c’est un savoir-faire accessible à tous, indispensable pour retrouver le goût de la vérité dans un monde saturé de discours trompeurs. Entretien.

+

penser portes intelligent logique
ÉgliseLiturgie

La pause liturgique | Agnus 12, Pater cuncta (Fêtes des saints)

Cet Agnus Dei est daté du XIᵉ siècle et ses sources manuscrites proviennent surtout d’Italie ou de France. Sa mélodie du 2ᵉ mode est assez expressive et certains de ses intervalles, assez importants lui donnent un caractère assez aérien. Les première et troisième invocations sont identiques, et la seconde est mélodiquement plus sobre et plus retenue.

+

grégorien croix introït offertoire agnus dei communion
ÉgliseLiturgie

La pause liturgique | Sanctus 12, Pater cuncta (Fêtes des saints)

Le Sanctus XII est richement représenté au niveau des sources manuscrites puisqu’on en compte un peu plus d’une centaine. Daté du XIIIᵉ siècle, ce Sanctus est emprunté mélodiquement au 2ᵉ mode, et sa structure mineure lui confère un caractère méditatif assez remarquable. Il est expressif, tout en étant aussi très intérieur.

+

sanctus
ÉgliseLectures

Carte blanche : L’« épouvantail » Rampolla

Jean-Marc Ticchi, spécialiste de l’histoire de l’Église au tournant des XIXᵉ et XXᵉ siècles, offre la première biographie historique du cardinal Rampolla (1843-1913), secrétaire d’État de Léon XIII pendant plus de quinze ans, et qui a eu, dès son vivant, une mauvaise réputation dans certains milieux.

+

cardinal Mariano Rampolla