Le sujet occupe tous les esprits. La révolution morale et anthropologique que prépare le gouvernement socialiste avec l’instauration d’un mariage ouvert aux personnes homosexuelles, constitue le vrai débat de fond de ce début de mandat socialiste. Enfin, « débat » ! Tout dépend de ce qu’on entend par là. Fidèle à une certaine pratique de la Ve République, l’actuel gouvernement, fort de sa majorité absolue à l’Assemblée nationale et au Sénat (sans parler des régions), semble considérer le Parlement comme une simple institution d’enregistrement. Même dans ces enceintes, que l’on fait vénérer aux jeunes collégiens et lycéens comme les temples du débat démocratique, l’échange contradictoire semble avoir disparu. La discipline du parti l’emporte sur le devoir d’agir selon sa conscience. Certes, contre cette transformation radicale de l’institution du mariage la grogne monte, même dans les rangs de la gauche. Une grogne réelle, mais qui au final risque bien de servir de prétexte pour laisser croire que le… débat politique est possible dans notre pays, alors même que les décisions sont déjà prises. Faisant fi de toute prise en compte des arguments de l’opposition, et ce jusque dans son propre camp, le porte-parole du gouvernement en personne, Najat Vallaud-Belkacem, l’a en quelque sorte avoué en annonçant ingénument que le premier « mariage » gay aurait lieu à Montpellier, une fois la loi votée. Refermant le monde clos de son mensonge, le système entend, donc, siffler la fin de la partie à temps pour promouvoir cette suite logique des lois sur le divorce, la contraception et l’avortement.
Suite logique ? Sur RTL, le 24 septembre dernier, Clémentine Autain a eu le mérite d’exposer clairement cette filiation :
« Je pense en effet que cette ouverture bouscule l’ordre symbolique des sexes, c’est la vérité. Et s’il y a le débat sur l’adoption qui arrive juste derrière, c’est précisément parce qu’on va changer les rôles sociaux. La parentalité, c’est plus Papa, c’est plus Maman, ça a totalement à voir avec les fondements de ce qu’est une société patriarcale ; ils sont en train d’être profondément battus en brèche. C’est la réalité et donc on est devant un nouveau fait qui est qu’on va créer des parents sociaux. Je me fous totalement de la nature, de l’état de nature ! Si je me fiais à l’état de nature, je n’aurai pas de rapports sexuels qui ne conduisent pas à de la procréation. Je suis contente d’avoir la pilule et l’avortement qui me permettent de ne pas prendre de risque. La nature me dirait que dans le rapport sexuel je dois prendre le risque de la grossesse et bien mon état social fait que j’ai envie de me battre contre ça ! ».
Est-ce à dire que les jeux sont faits et qu’il convient de rentrer sous sa tente, sans même tenter la moindre opposition, sans apporter le moindre argument, sans proposer la moindre parade ? Recevant un groupe d’évêques français en visite ad limina, le pape Benoît XVI les a invités, au contraire, à défendre la famille, en posant le juste diagnostic de l’enjeu en cours : « La famille “est le fondement de la vie sociale”. Celle-ci est menacée en bien des endroits, par suite d’une conception de la nature humaine qui s’avère défectueuse. » (cf. p. 30 de ce numéro). Cette invitation nous devons la faire nôtre et devenir le grain de sable qui peut éventuellement enrayer la machine du système en place.
Celui-ci démontre, en effet, une fois de plus qu’il est fondé sur le mensonge. Tout à fait cohérent avec lui-même, il s’incarne bien au-delà du pouvoir politique qui agirait de l’extérieur sur la population. Une même idéologie traverse l’ensemble des élites, des médias, des faiseurs d’opinion, des professeurs, des écrivains et des grands cadres de l’industrie. Il existe certes des exceptions, tolérées jusqu’à un certain point, jusqu’au moment précis où leur parole, souvent laissée libre à titre de prétexte démocratique, doit se taire devant la doxa en place.
Il est vrai que dans ce contexte d’une démocratie totalitaire, nous ne sommes que des « sans-pouvoirs ». Ce terme fut justement utilisé dans un texte fondateur, écrit en octobre 1978, par Vaclav Havel, futur Président tchèque, alors dissident et porte-parole de la Charte 77. Il montrait dans cet essai dense qu’il existait bien un « pouvoir des sans-pouvoirs » et qu’il s’agissait de vivre dans la vérité alors que la société post-totalitaire, caractérisée, entre autres, par la rencontre du totalitarisme et de la société de consommation, était fondée sur le mensonge. « Si l’Occident ne tire pas les leçons de notre expérience qui nous a montré où mène l’orgueil de l’homme, déclarait Havel, il lui en coûtera cher. »
Sans nous comparer aux dissidents de l’ancien bloc de l’Est, il est certain que nous devons aujourd’hui, plus que jamais, pratiquer ce « pouvoir des sans-pouvoirs ». Jusqu’au bout, ne transigeons pas avec la vérité ! N’est-ce pas ce que nous rappelle constamment, depuis Rome, celui qui, détenteur d’une simple autorité morale et religieuse, incarne aujourd’hui à l’échelle universelle, ce pouvoir des sans-pouvoirs ?
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