En France, un agriculteur se suicide tous les deux jours. Ce chiffre, et ce thème – même si les causes sont forcément multiples – révèlent plus que de longs discours la crise profonde qui touche le monde agricole et la société rurale. Cependant, l’enquête de l’Institut national de veille sanitaire (INVS), qui dresse ce terrible constat, ne manque pas de faire apparaître un autre point. « Ces observations, note-t-il, coïncident avec la temporalité des problèmes financiers rencontrés dans ces secteurs sur la période d’étude ». Ce qui traduit dans un français audible par tous, et qui échappe au charabia pseudo-scientifique, veut dire que les agriculteurs se suicident surtout parce qu’ils sont pris à la gorge par les problèmes financiers.
Le productivisme appliqué à l’agriculture
Qui s’en étonnerait ? La politique agricole commune (la fameuse PAC) n’a cessé de pousser nos agriculteurs à l’endettement. Considérés comme de simples unités de production au sein du vaste marché mondial, dans lequel s’insère également le marché européen, les agriculteurs français ont souvent l’impression d’être réduits au rôle de variable d’ajustement. En l’occurrence, on a juste oublié que cette variable vit, travaille et meurt, et même parfois tragiquement, si l’on en croit les chiffres de l’INVS. On a juste mis de côté cette réalité que les temps de crise se chargent de remettre au-devant des esprits : sans l’agriculture, le reste du monde meurt de faim.
Pas de vraie remise en cause
Dès lors, ce qui est étonnant, ce n’est pas la révolte des agriculteurs, les routes bloquées et même, hélas, les accidents liés à celles-ci. Ce qui est étonnant, c’est que depuis tant d’années, le monde agricole ne soit pas parvenu?à donner?naissance?à?une véritable révolte qui ne se limite pas à des jacqueries sporadiques, bien que très souvent spectaculaires.
Il ne s’agit nullement ici de faire l’apologie de la révolte pour la révolte ou de rêver aux lendemains qui chantent après une table rase générale dont le monde agricole se chargerait, mettant la main dans la boue quand nous, petits-bourgeois urbains, garderions nos souliers vernis et nos mains propres, en sirotant une horrible boisson d’importation devant notre télévision. La révolte n’est qu’un recours ultime, qui doit s’effectuer lorsque certaines conditions ont été réunies, au…