GPA : une convention pour faire résonner le cri des « petits sans-voix »

Publié le 16 Mar 2023
GPA

Le vendredi 3 mars a été signée la Déclaration internationale pour l’abolition de la GPA, par une Convention tenue à Casablanca. Celle-ci réunissait des juristes, philosophes, psychologues venant du monde entier. Ce collectif a signé la Déclaration internationale pour l’abolition de la GPA. Anne Schaub, auteur du livre ‘Un cri secret d’enfant’, a participé à ce colloque. Psychothérapeute belge, elle s’est penchée sur les traumatismes liés à la vie intra-utérine. Traumatismes pouvant notamment être provoqués par la GPA.

 

En quoi consistait cette Convention ?

Cette convention avait pour but la signature de la Déclaration internationale pour l’abolition universelle de la GPA. Des intervenants du monde entier ont présenté leur expertise touchant à ce sujet en fonction de leur domaine de compétence. Après Aude Mirkovic, juriste pour l’enfance qui a ouvert le séminaire, la parole de départ fût donnée à Suzanne Aho Assouma, ancienne -ministre togolaise de la santé et vice-présidente de l’ONU-, présente en tant qu’observatrice indépendante, ainsi qu’à Luis Ernesto Pedernera Reyna (Uruguay), ancien président du Comité des droits de l’enfant également à l’ONU.

Cette Déclaration est une interpellation des états afin qu’ils prennent conscience du pouvoir qu’ils ont sur cette question, un appel criant pour qu’ils agissent, en considérant l’intérêt supérieur du petit enfant comme primordial. Aujourd’hui, nous sommes en droit de nous interroger sur les débuts de la vie dès lors qu’ils sont rendus traumatiques pour certains enfants, non par accident mais de façon organisée et monnayée. C’est un questionnement d’humanité. Nous sommes tous responsables et dans le mot ‘responsable’ il y a la réponse que nous donnerons, chacun, aux problèmes dont nous sommes conscients.

Vous avez réalisé une intervention sur les enjeux psychologiques de la GPA sur l’enfant : quel en a été le contenu ?

J’ai centré mon propos sur les besoins précoces du petit enfant. Dès sa conception « le petit sans-voix » a besoin de la protection donnée par les adultes. Avec la GPA, il est malmené dans les fondements de son histoire. Dans le cadre de la gestation pour autrui, l’enfant est conçu en dehors de la chaleur d’un corps humain, il est porté par l’utérus d’une femme porteuse qui va ensuite le livrer aux parents intentionnels.

La conception et la grossesse sont pourtant des moments cruciaux de l’histoire de vie d’un enfant. Ils fondent la relation primordiale avec la mère qui le porte. Le petit va s’attacher de tous ses sens à la mère qui le porte. La naissance est la première séparation naturelle qui lui donne la vie. Mais il doit retrouver à l’extérieur tous les facteurs sensoriels qui le relient étroitement à cette mère-là, qui l’a porté. Pas à une autre.

La GPA sépare intentionnellement l’enfant de la mère de naissance. La séparation est programmée avant-même la conception. Le bébé perd son propre sentiment d’existence et plonge dans une insécurité majeure, une angoisse de séparation et d’abandon.

Quel pourrait-être l’impact de cette Déclaration ?

La revue de presse qui de jour en jour s’étoffe, témoigne de l’importance accordée à l’évènement. Certes pas les médias mainstream. Mais comme un sachet de thé qui progressivement diffuse et imprègne l’eau, l’opinion publique est informée de ce qu’est la gestation pour autrui et des dommages humains causés par cette pratique de procréation commerciale.

Les arguments avancés ne relèvent d’aucune idéologie et pour cela ils ont du poids. Cette Déclaration est le croisement de réflexions d’experts – juristes, médecins, psychologues, sociologues, philosophes – du monde entier. La convention a recueilli une centaine de signatures. En soi, le colloque est déjà une démarche politique car il rassemblait différents pays dans le but de déclencher l’intérêt des politiques.

Après, nous n’avons pas le pouvoir d’engager des procédés pour la mise en œuvre de la Déclaration. Mais nous ne nous arrêterons pas là, ce n’est pas une démarche ponctuelle. La présence d’experts internationaux nous a fortifiés. Nous avons réalisé que le problème de la GPA fait réagir dans le monde entier.

Est-ce que le parallèle entre la GPA et l’esclave sous-entend une régression du droit de la femme et surtout de l’enfant ?

Régression certes, et surement aussi, répétition de l’Histoire. Qu’est-ce qui caractérise l’esclavage ? La perte de liberté et l’utilisation d’une personne au profit d’une autre. Avec la GPA, nous faisons face aujourd’hui à un esclavagisme moderne, celui de femmes incitées à la location de leur utérus, avec au final la « livraison » monnayée d’un enfant à d’autres. Toute grossesse, investit non-seulement le corps de la femme, mais son être tout entier.

Or avec la GPA, on lui demande d’utiliser uniquement son utérus, pour le bien d’autrui, et l’enfant est cédé, vendu à d’autres. Le bien supérieur de l’enfant est sacrifié au désir de l’adulte. La GPA est le signe de la perte profonde de transcendance et des valeurs, en l’occurrence celles qui concernent la relation. Nous sommes des êtres de relation, non pas à partir de la naissance mais bien dès la conception.

Nous sommes dans une société qui exacerbe le désir individuel au détriment d’un bien collectif. Cet individualisme est souligné par un consumérisme exalté. C’est assez effrayant de se dire que l’enfant est devenu un objet de commerce. Le désir d’enfant est un bien, mais le vouloir au détriment de l’autre, ne l’est plus.

Le choix d’interdire et non d’encadrer la GPA n’est-il pas trop radical ?

Le mot radical présente un caractère absolu, total, définitif. Cela concerne des moyens mis en œuvre très énergiques, très efficaces dont on use pour combattre quelque chose de grave. Par exemple, nous ne pouvons pas encadrer le viol, nous ne pouvons pas le rendre éthique non plus. La GPA malmène les droits humains les plus fondamentaux. Le corps d’un autre est mis à disposition pour l’intérêt propre de soi.

Sans compter tous les intermédiaires qui s’enrichissent. Il faut bien comprendre aussi que la GPA s’adresse à des femmes vulnérables, pauvres, elles ne le font pas gratuitement. C’est intrinsèquement un mal, et non, nous n’encadrons pas un mal. Il s’agit de l’interdire, à sa racine. C’est là que le mot ‘radical’ prend tout son sens, issu étymologiquement du mot ‘racine’.

L’importance des enjeux économiques peut rendre difficile cette interdiction cependant ?

Oui bien sûr, il y a des enjeux économiques colossaux. Au moment du confinement le grand public a été atterré de voir les petits berceaux placés dans des hôtels ukrainiens parce que les frontières étaient fermées. Les parents ne pouvaient pas venir chercher l’enfant qu’ils avaient commandé. Les bébés ne pouvaient plus être livrés. Que sont devenus ces touts petits ?… Nous dépassons largement la question économique. Il s’agit d’un authentique drame humain. Quelles que soient les difficultés, il nous pousse de l’avant pour poursuivre le travail et aboutir.

Les problèmes liés à la GPA ne reflètent-ils pas l’importance de la filiation dans la construction d’un enfant ?

Absolument. De la même façon qu’un immeuble en Asie s’est écroulé par manque de fondations, il y a le risque d’écroulement psychique dans le devenir de l’enfant qui se trouve coupé de ses racines d’origine. Les témoignages florissent déjà sur Internet de la part d’enfants nés de GPA, et devenus adultes. Certains se sont séparés de leurs parents d’adoption et n’ont pas voulu retrouver leurs parents d’origine. Ils sont dans une espèce d’errance filiatique tragique.

Pour l’instant uniquement des témoignages à l’eau de roses d’enfants très souriants nous sont proposés dans les mainstream. Il faut bien comprendre que le temps de l’enfance est un temps d’adaptation. L’enfant va mettre toute son énergie à s’adapter et à se réattacher. Avec la GPA, il y a une mise à profit de cette capacité d’adaptation extraordinaire de l’enfant. Comme un boomerang, cela finit un jour par revenir en souffrance. On ne sépare pas, de manière planifiée, un enfant de sa filiation d’origine.

Pourquoi êtes-vous engagée dans ce combat ?

Je travaille depuis 25 ans sur les mémoires précoces et sur les causes profondes des souffrances infantiles et adultes. La grossesse est une période cruciale qui reprend les fondements de l’histoire de tout un chacun. La gestation pour autrui est une situation qui touche aux conditions du début de la vie. Le sujet représente un enjeu majeur de société car il porte atteinte à l’origine de la vie naissante du petit humain.

Les débats de société occultent le principal intéressé : l’enfant, et le lien d’attachement significatif premier qui se crée avec sa mère dès sa conception. Dans le cadre de conférences et de publications, j’ai rencontré Aude Mirkovic. Avec d’autres experts internationaux, nous nous sommes convaincus de la nécessité d’une démarche à l’échelon international, adressée aux États, afin de faire face à ce fléau mondial qu’est la GPA. Ainsi est née l’idée de la Déclaration pour l’abolition universelle de la GPA.

 

A lire également : Les droits des femmes et les promesses du Président

Propos recueillis par Domitille de Brü

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