Guerre contre l’islam(isme) ?

Publié le 23 Déc 2015
Guerre contre l’islam(isme) ? L'Homme Nouveau

L’État islamique a déclaré la guerre à la France dans une entreprise hégémonique d’un islamisme dévoyé qui doit être toujours plus dénoncé et nécessite un débat interne et au monde musulman et à ses théologiens. Quant à la nécessaire réponse militaire elle n’exclut pas pour les chrétiens le recours aux armes pacifiques de la charité, de la prière, de l’évangélisation et du respect envers les musulmans.

La France accepte enfin de voir la réalité en face : elle a été désignée comme ennemie par une organisation terroriste en voie de devenir un État. Elle a donc des ennemis puisque, si l’on choisit ses amis, on ne peut par définition choisir ses ennemis. Ce sont eux qui nous choisissent et nous contraignent par là à entrer en guerre. Toute la question est alors de distinguer les différents plans selon lesquels une telle guerre doit être menée. Cette question est d’autant plus délicate que l’État islamique se revendiquant de l’islam, il convient de penser l’articulation entre terrorisme islamiste et islam. Et ce problème n’est bien sûr pas seulement théorique ; il est aussi pratique. Des millions de nos concitoyens sont musulmans et on ne peut faire abstraction de cette circonstance massive lorsque l’on cherche à s’orienter collectivement vers le bien commun national.

Au niveau militaire

Le premier niveau est bien sûr militaire. Il s’agit de vaincre sur le terrain nos ennemis sachant que ce terrain n’est pas seulement le Proche-Orient mais aussi certaines de nos banlieues où fleurissent des mosquées radicalisées. Or on ne combat pas avec les mêmes armes sur des terrains si différents. En effet, l’État islamique n’est qu’une des manifestations d’une mouvance fanatisée de l’islam, complexe et vaste ; donc sa destruction ne réglera pas la totalité du problème, plus profond. Cette mouvance islamiste constitue un messianisme politico-religieux s’enracinant dans un mimétisme avec l’islam des origines et la lecture la plus littérale du Coran.

Il y a donc un deuxième plan où l’affrontement doit se poursuivre, au Moyen-Orient et en France, celui sur lequel se déploie l’opposition entre les différentes compréhensions de l’islam. Ce débat interne au monde musulman doit être encouragé et soutenu aux niveaux intérieur et géopolitique. Pensons aux déclarations courageuses du Président égyptien Al-Sissi s’appuyant sur l’autorité de l’université Al-Azhar, pilier de l’islam sunnite : « Je vois que le discours religieux, dans le monde islamique au complet, a fait perdre à l’islam son humanité. » Les chrétiens français peuvent jouer un rôle éminent dans ce processus en invitant leurs compatriotes musulmans à un véritable dialogue. Mais la difficulté est de prendre au sérieux le logos pour ne pas transformer ce dialogue en de sympathiques rencontres iréniques fondées sur une approche naïve et fantasmée de l’islam. Le livre du Père Jourdan (1) constitue, à la suite de Benoît XVI, une précieuse boussole pour solliciter la raison dans une authentique recherche collective de la vérité sur Dieu et sur l’homme.

Ouverture du cœur

 Cet affrontement au niveau rationnel ne peut être fécond que s’il est vécu dans une ouverture de cœur. Ici au piètre « vivre ensemble » (simple juxtaposition d’individus) doit être préférée l’amitié politique, la concorde, c’est-à-dire ce que crée l’ouverture commune vers le bien commun et la participation à l’aventure nationale. Pierre Manent a magistralement rappelé dans Situation de la France (2) que seule la redécouverte du bien qu’est l’appartenance politique à la nation française pourra rendre réaliste et bénéfique l’intégration plénière de nos compatriotes musulmans. Ce pari est certes osé mais il correspond à la hauteur du mur sur lequel nous butons. Si l’on ne peut « renvoyer chez eux » ceux qui sont pour beaucoup citoyens français, il s’agit donc de travailler à créer cette véritable amitié française. On mesure ici à quel point la faillite de notre système d’enseignement indique en creux l’un des plus grands chantiers de la reconstruction nationale à venir. Mais cela suffira-t-il ? Intervient alors le quatrième niveau, le plus essentiel, celui qui consiste à coopérer à l’œuvre de Dieu dans nos pauvres existences et dans celles de tous ceux que nous côtoyons.

Ce niveau surnaturel de la guerre se décline lui-même selon plusieurs modalités. Il exige d’abord de revenir à une acception virile de la vie chrétienne trop souvent édulcorée. L’amour et la miséricorde évangéliques ne sont pas de vagues sentiments humanitaristes. Ils sont à vivre dans le grand mystère de l’affrontement entre Dieu et ceux qui se sont révoltés contre Lui. Cette guerre contre l’iniquité se déploie en chacun de nous, traversés par la haine, la désespérance, la lâcheté, etc. Les Exercices spirituels de saint Ignace ou les textes des Pères du désert demeurent des outils efficaces pour mener cette guerre avec les armes du Christ.

Annoncer le salut

Mais ce salut offert gracieusement par le Christ ne nous est pas réservé. Nous sommes appelés à l’annoncer à tous les hommes pour qu’eux aussi soient libérés du péché et de l’emprise de Satan. Cette exigence de l’évangélisation doit donc nous tourner vers nos compatriotes musulmans. Comme le dit admirablement l’abbé Loiseau des Missionnaires de la Miséricorde divine (3) : « Face au défi qui nous attend, la tiédeur n’est plus possible. C’est dans l’espérance du triomphe du Cœur Immaculé que nous devons nous mettre à la tâche. Puisque Notre Dame a touché le cœur de tant de musulmans et à l’approche du Jubilé de la Miséricorde, lançons une grande campagne de prières pour demander à notre Mère que nos frères musulmans découvrent eux aussi le visage de la Miséricorde Divine, c’est-à-dire Notre Seigneur Jésus-Christ, crucifié et ressuscité, l’Alpha et l’Oméga de l’Histoire humaine. La charité qui doit nous animer envers les musulmans nous invite au respect de tout ce qui demeure vrai en eux, au dialogue et enfin à l’annonce de la Bonne Nouvelle. »

Enfin, nous ne serions pas fidèles au Christ si nous vivions cette guerre à l’islamisme en oubliant de prier pour la conversion de nos ennemis. C’est le sens de la magnifique initiative « Adopte un soldat. Engage-toi pour une croisade de l’amour » (4), lancée quelques semaines avant les attentats du 13 novembre et qui rassemble déjà plus de 15 000 participants. Telle est la manière la plus grande de faire la guerre : aimer nos ennemis comme Jésus nous le commande, c’est-à-dire désirer leur salut.

1. François Jourdan, Dieu des chrétiens, Dieu des musulmans, Flammarion, coll. « Champs essais », 236 p., 8 €.
2. Pierre Manent, Situation de la France, DDB, 174 p., 15,90 €.
3. misericordedivine.fr
4. Sur le site : hozana.org/

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