Le jeudi 8 juin dernier s’est déroulée à Annecy une attaque au couteau, faisant 6 victimes dont 4 enfants. Henri, notre ancien alternant, s’est opposé à l’assaillant. Il répond aujourd’hui à nos questions avec un peu de recul sur ces événements.
Que faisiez-vous à Annecy ce jeudi 8 juin et comment tout a-t-il basculé ?
Je suis parti pour un tour des cathédrales de France de 9 mois, dans une démarche de pèlerinage. J’étais arrivé à Annecy l’avant-veille, et j’avais visité la cathédrale la veille. Ce jeudi matin-là, je repartais en direction du centre d’Annecy afin de revoir la cathédrale une dernière fois avant de rejoindre l’autoroute pour faire du stop.
Je me suis alors retrouvé sur le chemin de cet homme qui frappait des bébés au couteau, prétendument au nom de Jésus… Il était impossible pour moi de ne pas agir, je n’ai pas réfléchi, j’ai pris ce que j’avais sous la main : mon petit sac, et poussé par une force intérieure, j’ai essayé de lui faire peur, en esquivant ses coups, pour l’éloigner des enfants.
Quelle explication donnez-vous à votre réaction ?
De manière symbolique, je crois pouvoir parler de combat eschatologique. Je me rends un peu mieux compte de la situation en prenant du recul. Ce demandeur d’asile a un comportement très étrange, il est en proie à des choses très mauvaises en lui. Face à ce quelque chose de très mauvais qui le pousse à agir, il a rencontré un pèlerin, ancien scout, qui a tenté, poussé lui aussi par quelque chose de très fort, d’intervenir. C’était une sorte de combat entre le bien et le mal.
Toute mon éducation, mon scoutisme explique mon geste, mais tout chrétien, ou même français bien éduqué, aurait agi de la même manière. Je ne cesse de le répéter : je ne suis pas un héros, je n’ai fait que mon devoir en respectant l’article trois de la loi scoute[1] et la parole de l’Evangile : « Ce que vous faites au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous le faites ».
Mais il y a eu également la grâce du Bon Dieu au moment décisif. J’ai senti que l’agresseur avait peur de moi, alors qu’il n’y avait aucune raison : il était bien plus baraqué que moi, armé, et je n’étais pas très mobile avec mes sacs. Il aurait aisément pu me tuer, mais ce qui était en lui a eu peur de ce qui était en moi.
Votre vie a pris un nouveau tournant depuis jeudi dernier, ne serait-ce que parce que la France entière connaît maintenant votre visage et votre nom. Comment vivez-vous cette pression médiatique ?
J’ai fort heureusement été secondé par le père d’un ami, Jean-Baptiste Giraud, qui est journaliste. Ce jeudi soir, je sortais de la préfecture où j’avais fait ma déposition, j’ai vu rapidement un psychologue. Puis je suis rentré. Mon portable vibrait toutes les trente secondes, jusqu’à tard le soir.
Ne sachant trop comment réagir, j’ai appelé Jean-Baptiste Giraud à la rescousse, afin d’en discuter. J’avais une fenêtre de tir médiatique qui s’ouvrait à moi, il fallait réfléchir à un message à faire passer. Nous voulions au départ nous cantonner à deux grands médias, mais tout s’est enchaîné, j’essaye d’atterrir et de prendre du temps pour moi, mais je suis continuellement sollicité. Je n’avais évidemment pas imaginé toutes les conséquences de mon acte.
Allez-vous continuer votre périple autour des cathédrales ?
Bien-sûr, il est hors de question que je m’arrête. Simplement, je ne sais pas encore de quelle manière et quand je vais pouvoir le reprendre. J’ai en ce moment un suivi psychologique et médical, c’est important pour évacuer les images que j’ai vues. Sur le moment, le cerveau donne l’adrénaline nécessaire pour agir, mais notre corps n’est pas fait pour supporter tout cela. Il faut retomber sur ses pattes, tout en essuyant le tourbillon médiatique : stress lorsqu’on passe sur les grandes chaînes info, apostrophes dans la rue, répondre à une trentaine de journalistes en même temps à Annecy etc.
Au-delà de ce tour des cathédrales, pensez-vous que votre vie va changer ? Comment garder l’humilité dans ces conditions ?
Cela ne va pas changer ma vie, ou sinon, pour le meilleur. Le calme ne va pas tarder à revenir, après ces jours de tempête.
Quant à l’humilité, je ne réalise pas du tout ce qui se passe. La Providence a fait en sorte que je puisse faire passer un message médiatiquement, dès lors, c’est mon unique objectif.
Quel est donc ce message ?
Ma réaction s’explique parce que je me nourris de beau par les cathédrales que je visite, et de bien par les personnes que je rencontre. En se nourrissant ainsi de ce qu’il y a de beau et de grand, on ne tolère plus le mal, on ne baisse plus la tête et on résiste. En dignes héritiers de nos ancêtres qui ont bâti les cathédrales, relevons la tête, et tout ira bien !
[1] Le scout est fait pour servir et sauver son prochain
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