Le nom d’Henri Lacordaire, refondateur des dominicains en France (et de deux Tiers-Ordres dominicains, dont un d’enseignants) symbolise avec celui de dom Guéranger la renaissance des ordres religieux en France après la tourmente révolutionnaire. Et cela ne lui sera pas enlevé. Mais parvenu à la fin de cette biographie exhaustive, où il s’est parfois perdu dans des détails dont l’intérêt n’apparaît pas évident, le lecteur se dira que la vie de son héros est bien plus complexe que l’aura qui entoure généralement les fondateurs et refondateurs d’ordres : converti, prédicateur renommé, écrivain, responsable de journal, député et polémiste politique, académicien, mais aussi toutes les dernières années de sa vie, simple directeur d’un collège. Lacordaire fut un des premiers à partir des aspirations des hommes de son temps, même ceux qui étaient sceptiques envers la foi chrétienne, d’où son insistance sur la liberté, l’engagement politique au sens noble, la séparation de l’Église et de l’État, l’importance de l’éducation. Il incarne la fragilité d’une époque de transition.
L’auteur, en général plein d’empathie envers son héros, ne cache pas sa gêne et même se rebiffe devant les pénitences que se faisait infliger jusqu’au sang Lacordaire, y compris par des jeunes qu’il connaissait à peine, et cette dimension cadre mal avec d’autres qui en font un précurseur et prophète de l’Église des temps modernes.
Anne Philibert, Henri Lacordaire, Cerf, 910 p., 39 €.