La mort d’Elizabeth II a ébranlé le Royaume-Uni et l’a également rassemblé dans le deuil. L’union des couronnes d’Angleterre et d’Écosse, menacée dit-on par la décentralisation, a semblé même se renforcer depuis sa mort, contrairement à ce que les gros titres avaient longtemps suggéré, comme si c’était la Reine elle-même qui était le vrai catalyseur de l’unité nationale. Ce n’est qu’un aspect de son trépas qui intrigue l’observateur ; le fait que les vestiges de l’Empire britannique aient été pour la plupart pacifiquement regroupés pendant son règne dans le Commonwealth – un accord fondé sur l’amitié, le respect mutuel et le commerce – serait un autre exemple de son influence unique pour l’unité au-delà des frontières. Voilà pour un monarque constitutionnel sans poids politique. Pour moi, religieux, patriote britannique et prêtre catholique, tout cela est sans doute dû en grande partie à ses qualités personnelles de femme, de chrétienne et de mère ; mère d’une famille dysfonctionnelle, certes, et mère d’une nation souvent en ébullition : elle semblait insuffler la paix et la stabilité aux deux. Encore une raison pour mettre en valeur l’essentiel de son rôle ainsi que ses qualités uniques en tant qu’individu. Car, comme cela a été dit à maintes reprises depuis sa mort, elle fut le meilleur monarque que nous aurions pu imaginer avoir dans cette époque moderne – et au début de sa longue vie, c’était en effet un parcours inimaginable. Il était alors impensable que son oncle Edouard VIII ait pu abdiquer… Mais une fois le père d’Elizabeth devenu George VI, la jeune princesse accéda au rang d’héritière présomptive. Si son père avait vécu plus longtemps, elle ne serait peut-être pas montée sur le trône avant de profiter d’une vingtaine d’années paisibles de vie familiale ; en l’occurrence, une jeune fille de 25 ans fut couronnée et son fringant jeune marin de mari fut contraint de sacrifier sa carrière navale pour marcher le reste de sa vie à deux pas de sa femme et de sa reine. À mieux comprendre alors ce rôle qui nécessitait tant de sacrifices.
Fruit de la rébellion
La monarchie constitutionnelle n’est pas à dédaigner ; alors que les légitimistes européens peuvent (à juste titre) aspirer aux jours des monarchies d’autrefois et chercher à s’inspirer encore du principe héréditaire, notre monarchie britannique tellement admirée est pourtant le fruit de la rébellion, du régicide et du compromis. La Couronne reste un…