> DOSSIER n° 1843 « L’homme transformé, l’illusion d’un salut sans Dieu »
Face à un système fondé sur le consensus, la conformité et la servitude volontaire, la résistance ne peut plus prendre la forme des révoltes d’hier. Elle passe aujourd’hui par la lucidité, la formation intellectuelle et la reconstruction d’une vie réellement libre.
Le philosophe italien Augusto Del Noce (1910-1989), auteur d’une somme monumentale sur le problème de l’athéisme contemporain en 1964 (1), avait vu dans la direction que prenait la construction européenne à la fin du XXᵉ siècle une voie occidentale vers un totalitarisme d’un nouveau genre fondé « plus sur l’asservissement mental et le consensus que sur la terreur, plus sur la technologie des médias que sur les camps de concentration, plus sur l’isolement moral de l’opposant que sur sa destruction physique ». Cette analyse entraîne plusieurs conséquences pour l’étude de la résistance à ce nouveau type de totalitarisme.
Des dirigeants interchangeables
La première a été mise en lumière par Éric Werner pour qui « étant admis que le totalitarisme et la tyrannie sont deux phénomènes distincts, il apparaît raisonnable d’admettre qu’on ne saurait lutter contre le totalitarisme de la même manière qu’on lutte contre la tyrannie » (2). Ainsi, les formes de résistance à l’oppression injuste d’une tyrannie que sont l’insurrection ou le tyrannicide se révèlent-elles particulièrement inadaptées face à un système totalitaire dans lequel les dirigeants n’ont rien d’unique ou d’irremplaçable, a fortiori quand ils sont fabriqués en série par les écoles du pouvoir : « Ils ne sont que les produits d’un système qui en règle générale leur survit, en sorte qu’à ce titre on peut les considérer comme interchangeables. » La même règle s’applique pour les insurrections. La police du système veille et son extraction parfois modeste n’a jamais empêché son adhésion à la répression des révoltes populaires. L’État moderne wébérien s’est ainsi assuré le monopole d’une violence qui à défaut d’être toujours légitime s’accompagne de moyens considérablement plus puissants que ceux dont peuvent disposer des individus réduits à l’état de dissociété et se retrouvant bien souvent seuls face au pouvoir du régime. Pour ce motif, une deuxième conséquence de l’analyse de Del Noce est que la croyance dans l’idée qu’il est possible de lutter contre ce système, si ce n’est avec les mêmes moyens matériels, du moins avec les mêmes armes culturelles…








