Personnellement, j’ai participé à cette manifestation. En me disant que cela ferait changer la donne ? Non. Simplement pour en être. Je dirais même : pour l’honneur d’y être. Il y a des enjeux, dans la vie, c’est comme ça, qui nous échappent. On est impuissant à rien renverser, à rien empêcher. Mais au moins fait-on ce que l’on peut. Si les progrès du mal rendent ces efforts vains, du moins n’a-t-on pas sa part dans ses victoires. Bien des combats perdus sont des combats honorables. Et il vaut toujours mieux être du côté de l’honneur, quoi qu’il advienne.
Il y a des gens qui ne comprennent rien à cet honneur. Il est simple, pourtant. Je ne puis pas faire grand-chose, mais je puis faire cela, encore que ce ne soit pas grand-chose. Alors je le fais. Et je puis prier, alors je prie aussi, encore que ma prière soit aussi peu de chose. On peut trouver honneur à faire chaque petite chose qui se présente à nos mains pour le service du bien, alors même que l’on peut craindre qu’elle soit vaine, ou que ce bien, pour des raisons obvies ou cachées, ne surviendra pas. Elle n’est pas vaine au moins en ceci, cette petite chose, qu’elle est honorable. C’est ainsi que chacun, au milieu de vents mauvais, peut s’appliquer à rester debout. Il en est ainsi encore pour qui s’applique à aimer sa langue, quand tout la bouleverse, à conserver des formules de politesse, quand la vulgarité et la familiarité l’emportent partout. Des petites choses, mais des choses honorables. Protester que l’on est un être humain, et que l’on veut vivre dans une société d’êtres humains, ce n’est pas vain, lors même que cette espérance serait tranchée par les faux de tous les démons de l’enfer. Il y a pire déshonneur que de mourir d’une telle main.
Pour ceux qui se bornent à critiquer, avec leur morgue coutumière, cette « cathosphère » qui s’agite dans la rue, cela échappe. L’honneur, pour eux, ne se lit que bien mis en scène dans les livres, lorsqu’ils sont bien signés. Il y a de l’honneur pourtant derrière cette agitation, de la fierté, de la dignité, même s’ils s’accompagnent parfois de beaucoup de naïveté, voire d’aveuglement sur les racines profondes des projets combattus. Au moins cette « manifestation » vaut-elle pour cela qu’elle se manifeste, parce qu’elle le fait pour la défense de l’ordre naturel. Elle porte à la lumière ce qui mérite de l’être. Qui peut refuser à qui que ce soit l’honneur qui lui revient d’agir ainsi ? Ce ne sont d’ailleurs pas que des « cathos », ni des « versaillais » qui descendent ainsi dans la rue, encore que l’on en compte assurément un grand nombre. C’est aussi une foule de petites gens, qui n’ayant pour eux ni la plume, ni la parole, ni une quelconque audience, n’ont que ce moyen-là pour faire timidement entendre dans une foule confondue une même protestation.
Honneur à eux tous, donc, même si l’on ne peut tout à fait se garder, en marchant, de se poser ces questions : « combien, parmi ceux qui sont là , ont-ils voté Macron ou pour ceux qui, avant lui, n’ont cessé d’apporter leur concours à la destruction morale de notre monde ? Combien partagent avec eux des principes de vie qui rendent cette destruction nécessaire ? »