Internet pour le meilleur ou pour le pire ?

Publié le 06 Oct 2017
Internet pour le meilleur ou pour le pire ? L'Homme Nouveau

Une sollicitation excessive d’Internet – outre que cette addiction peut entraîner un burn out – altérerait notre structure neuronale. Pour éviter ces écueils un sain usage d’Internet exige la maîtrise de cet outil dans une optique spirituelle qui débouche sur un usage positif et tempéré de « la toile ».

«J’ai toujours su que le problème c’était moi et non pas internet », raconte Thierry Crouzet qui a témoigné de son expérience de déconnexion après un burn out numérique. (J’ai débranché, Fayard, 224 p., 18,30 €) Autrement dit si internet est un problème c’est comme objet de tentation, qui lui-même peut devenir un terrible objet d’addiction. Décupler les occasions de tentation ne fait pas pour autant de l’instrument une « structure de péché », même si cette dernière en profite démesurément. Si l’enfer est ainsi à portée de trois clics de souris, internet peut aussi être un moyen d’enrichissement personnel et d’apostolat, comme l’ont indiqué les derniers papes.

Des dons de Dieu…

L’Église considère ces nouveaux moyens de communication comme des « dons de Dieu », que le Malin peut, hélas !, détourner de leur fin pour le malheur de l’homme s’il oublie les mots de saint Paul :

« “Tout m’est permis”, dit-on. Mais je dis : “Tout ne m’est pas bon”. Tout m’est permis, mais, moi, je ne permettrai à rien de me dominer » (1 Co 6, 12).

Plus encore qu’une nouvelle invention à domestiquer, Internet est un nouveau moyen de communication à comprendre. Mais plus qu’une nouvelle langue d’Esope (audio-visuelle) à maîtriser, c’est aussi un territoire, un nouveau monde à conquérir et à habiter : « être habitant c’est beaucoup plus exigeant qu’être utilisateur » (Crouzet). Car Internet a apporté comme un nouveau milieu, une nouvelle dimension à l’homme, le faisant entrer à l’aube d’une nouvelle ère, un nouvel âge de l’humanité, avec le transhumanisme (l’homme transformable par le pouvoir de la technique), qui incarne en quelque sorte le mythe de Prométhée. Internet apparaît à cet égard comme une contrefaçon technologique sinon de la divinité du moins des dons préternaturels accordés à l’homme dans une préhistoire ou posthistoire théologique (avant ou après sa chute). Il nous affranchit des limites dans une révolution ­spatio-temporelle :

« Plus de limites spatiales (on peut contacter des personnes à l’autre bout du monde) ; plus de limites dans les connaissances (on peut trouver une presque infinité d’informations sur le net). Dans ce monde de connexions à haut débit avec forfaits illimités, s’infuse subrepticement en nous l’illusion de l’infini de notre vie sur terre. À surfer sur des réseaux aux potentialités quasi illimitées, on finit par se croire illimité. Mais nous restons pourtant bien mortels ! »,

explique le Père Ludovic Frère dans un livre éclairant, Déconnexion. Reconnexion. Une spiritualité chrétienne du numérique ? (Artège, 232 p., 15,90 €).

Ajouter un supplément d’âme

Cette contrefaçon peut certes être assumée de façon chrétienne si cette science vertigineuse et prodigieuse est assortie d’une conscience, d’un supplément d’âme. Mais elle peut aussi dériver en une dictature à la Orwell avec l’hégémonie des algorithmes et des Big Data sous le règne de Mammon et de sa société marchande. C’est alors la tyrannie d’une soi-disant transparence qui s’intéresse en fait à une surexposition permanente et superficielle des individus, à leur « extimité » (dévoilement extérieur de leur intimité, selon le néologisme du psychologue Serge Tisseron), comme en témoigne l’indigence de certains réseaux sociaux, sur fond d’exploitation effrénée du consommateur potentiel, dans une conspiration universelle contre toute forme de vie intérieure…

« Le parallèle entre notre situation et celle des esclaves est par certains aspects frappant. Ils ne payaient pas pour se nourrir ou se loger, mais leurs maîtres les forçaient à travailler, les échangeaient et les vendaient… Chaque fois que je vais sur Facebook, Twitter ou Google, on m’offre le logis numérique et la nourriture informationnelle et sociale, et on utilise mon travail pour enrichir les bases de données des publicistes pour qu’ils me ciblent mieux, ainsi que mes amis. » (Thierry Crouzet)

Cela étant dit, s’il est indispensable de repenser moralement et politiquement notre relation à « la toile » en envisageant notamment une règle de vie à son endroit avec ascèse et jeûnes de bon aloi, il serait anachronique (sauf vocation exceptionnelle) de vouloir s’en passer radicalement. « Nous ne sommes pas des amish ! Ces outils font partie de notre quotidien et vont y prendre de plus en plus de place », commente le Père Ludovic Frère qui appelle à une véritable démarche spirituelle : « faire la vérité sur ce que nous sommes, choisir entre des chemins de vie ou de mort ». Dans la confrontation avec ce nouvel attribut humain, l’acclimatation avec cette nouvelle « prothèse », il nous livre cet élément de discernement intéressant : « La distinction entre “réel” et “virtuel” n’est pas juste, comme s’il s’agissait de deux vies différentes, simplement accolées l’une à l’autre. Or, ce qui vit dans le virtuel est bien réel… Il vaut mieux distinguer la vie “en ligne” et la vie “hors ligne”. Dans ces deux dimensions de l’existence, la Révélation chrétienne appelle à accepter l’irréversibilité des choses tout en s’ouvrant à l’espérance éternelle… Il y a des temps “en ligne” et des temps “hors ligne”, mais la réalité de notre vie est désormais marquée aussi par ce qui se vit dans le virtuel. L’appel à la liberté doit donc conjuguer ces deux dimensions de notre nouvelle réalité, pour les harmoniser dans le sens de la dignité de tous. » Distinguer pour unir : tel est à nouveau le défi spirituel proposé à chacun pour concilier ce par quoi je connais et ce que je connais en une coopération intelligente et vertueuse, dans le respect de soi-même et des autres. Le retour au réel ne passe pas par un déni de réalité du virtuel, mais par son autolimitation. Pour que le message ne soit pas le médium…

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