Ivan Rioufol : « Je crois au réveil français »

Publié le 01 Juil 2016
Ivan Rioufol : « Je crois au réveil français » L'Homme Nouveau

Dans son dernier ouvrage, La guerre civile qui vient (Éditions Pierre-­Guillaume de Roux, 200 p., 19 €), le journaliste et essayiste Ivan Rioufol ne veut pas tant alarmer qu’alerter.  Pour lui, l’actuel multiculturalisme promu par l’intelligentsia mondialiste est un terreau pour une guerre civile meurtrière comme vient de le rappeler l’assassinat de deux policiers à Magnanville.

Qu’est-ce qui vous a amené à écrire ce livre ?

Ivan Rioufol : Ce livre est une alerte. Il aurait dû être inutile, car les faits que je rapporte sont sous les yeux de tous, et singulièrement des politiques et des médias. Mais bien peu sont ceux qui veulent voir ce qui se dessine, c’est-à-dire une possible guerre civile enfantée par la société multiculturelle qui s’installe en France en catimini et qui heurte la tradition assimilatrice de la nation. C’est une imposture que de faire croire en une « identité heureuse », en un « vivre ensemble » harmonieux. Ces mensonges officiels cachent de terribles fractures identitaires qui menacent la cohésion nationale.

J’ai donc fait le choix de décrire cette réalité dérangeante, en prenant le parti de ne tenir aucun compte des interdits de penser sur l’immigration de masse ou l’islam radical, par exemple. Alors que les belles âmes se réclament de la démocratie, je suis effaré de les voir fermer les yeux devant l’emprise d’une nouvelle pensée totalitaire, le salafisme, qui est en train d’embrigader une partie de la jeunesse des cités et de trouver également ses soutiens dans une extrême gauche de plus en plus violente. En réalité, les Français vivent déjà, depuis les attentats de 2015 et singulièrement ceux du 13 novembre, une situation de pré-guerre civile. Il faut en prendre conscience et cesser de se mettre la tête dans le sable : cette lâcheté est vue comme une faiblesse par nos ennemis, qui veulent imposer un contre-projet de société construit sur le rejet de l’Occident, du christianisme, du judaïsme, de la démocratie libérale. L’islam politique, qui présente bien des analogies avec le communisme ou le nazisme, n’est fort que parce que nous sommes à genoux.

Pouvez-vous définir la pensée unique que vous dénoncez ?

C’est la pensée officielle, répercutée par les politiques et les médias depuis trente ans et plus. Elle est construite sur la nouvelle religion des droits de l’homme qui fait de l’Autre le sauveur de notre civilisation corrompue et coupable. La haine de soi est le ressort de cette idéologie qui fait appel aux bons sentiments, à la lutte contre les discriminations, à l’antiracisme, etc. Ceux qui dénoncent les dangers de cet oubli de soi deviennent forcément des xénophobes, des islamophobes, des fascistes. Ce terrorisme intellectuel effraie nombre de personnes.

Pour ma part, j’ai passé ma vie d’éditorialiste à l’affronter, en dénonçant les scandaleuses ambiguïtés de ce discours obligé qui ne dit rien de l’antisémitisme qui se répand dans les cités musulmanes protégées, mais aussi de la christianophobie et de la francophobie. Le racisme anti-Blanc est une réalité détestable qui est passée également sous silence par ces faiseurs de morale qui estiment que seules les minorités ont forcément raison. Ils appliquent le deux poids deux mesures selon des critères raciaux et recourent aux discriminations qu’ils dénoncent, dans une dialectique de lutte entre le dominant et le dominé qui promet l’impunité et le pouvoir au dominé, ce nouveau prolétaire. Les bons apôtres sont les meilleurs collaborateurs du totalitarisme islamiste qu’ils laissent en paix. Il faut évidemment démasquer ces Tartuffes.

Comment a-t-on, selon votre expression, cadenassé la pensée ?

C’est le fruit d’un lent mais efficace processus de subversion idéologique d’essence marxiste dont on trouve la source dans le principe de la cooptation mis en place dans les universités placées sous tutelle communiste dans l’immédiat après-guerre par Charles De Gaulle. La cooptation, qui permet les promotions des universitaires et des chercheurs sur des critères corporatistes et politiques, a privilégié la pensée « progressiste » au détriment de la pensée autonome. Cet entre-soi a fait des dégâts considérables en marginalisant des pensées dissidentes. L’ahurissant conformisme des sociologues, qui ne veulent rien voir des mutations dérangeantes de la société, est un exemple parmi d’autres des aberrations produites par ce système.

Bien des esprits libres ont ainsi été écartés de cette fabrique de la pensée clonée qu’est devenue l’université. La porosité de ce monde avec celui des médias a consolidé le poids du politiquement correct. C’est lui qui cadenasse la pensée au point d’empêcher bien des intelligences de se confronter au réel. Vouloir comprendre ce qui se passe en France et en Europe, cette crise civilisationnelle inédite que les « élites » cherchent à mettre sous le tapis, oblige à sortir de ce piège.

Comment expliquez-vous l’aveuglement des sociétés occidentales face à l’islam ?

Cet aveuglement est surtout celui des « élites », davantage que celui des peuples qui sont beaucoup plus lucides et qui savent voir ce qu’ils voient quand l’islam déborde de sa sphère privée pour prétendre imposer ou négocier ses conditions. L’aveuglement est le résultat de cette idéologie relativiste qui veut faire croire que tout est indifféremment remplaçable, les objets comme les hommes, les peuples, les civilisations. Pour ceux que j’appelle les « dénégationnistes », ces « bidouilleurs » professionnels, il ne peut y avoir de choc de civilisations car toutes les civilisations se valent. Peu importent les affrontements passés entre l’islam et l’Occident.

En fait, c’est l’esprit de capitulation qui se dissimule derrière ces dogmes. Quoi de plus ridicule que le Président de la République qui, après chaque attentat islamiste commis en France, se croit obligé d’assurer : « Ceci n’est pas l’islam » ? Manuel Valls, de ce point de vue, est autrement plus courageux quand il dénonce l’­« islamo-fascisme » et l’« ennemi intérieur ».

Pourquoi le monde politique joue-t-il la carte de l’islam ?

Le monde politique fait le jeu de l’islam par idéologie, par paresse intellectuelle, par couardise. La gauche fait le jeu de l’islam par idéologie et par électoralisme car elle voit dans l’électorat musulman une mine à exploiter. François Hollande a recueilli 85 % des voix des Français musulmans en 2012 et on peut penser qu’il doit son élection à cet électorat. La droite, tétanisée par le politiquement correct, n’ose émettre de critiques de peur d’être taxée d’islamophobie par les redresseurs de torts au service des islamistes. Plus généralement, la classe politique espère ­qu’elle évitera la guerre civile en baissant dès à présent les armes face à l’islam conquérant.

C’est contre ce défaitisme que je m’insurge car il ouvre la voie à l’islamisation de la France. Je ne souhaite pas la guerre civile, mais le meilleur moyen de l’éviter est que la République cesse de trembler et ose appliquer la loi, le droit, la force armée si besoin. L’islam radical et viril ne connaît et ne respecte que le langage de la puissance. La France doit comprendre qu’elle est en guerre et que les minutes de silence ne sont plus la bonne réponse pour lutter contre ce nouveau totalitarisme qui nous déteste.

Qu’est-ce qui peut nous réveiller ?

Il ne faut rien attendre du monde politique, qui depuis quarante ans a cautionné, droite et gauche confondues, ce processus d’oubli de soi. En revanche, la société civile est parfaitement consciente des dangers qui menacent sa cohésion, sa culture, son identité. C’est d’elle que viendra le salut. Pour cela, elle doit continuer à se mobiliser sur l’internet, qui est une arme formidable pour contourner les citadelles politiques et médiatiques. Elle commence à se faire entendre et je suis optimiste sur ses capacités de persuasion. Il faut que la démocratie représentative, qui est en crise, se rapproche de cette démocratie d’opinion et que toutes deux travaillent ensemble. La synthèse peut se faire notamment en multipliant les référendums. J’en propose un, qui clarifierait bien des débats : ­souhaitez-vous le maintien de la politique d’assimilation, ou voulez-vous une société multiculturelle et inclusive ?

Qu’est-ce qui vous sépare de Houellebecq et de Zemmour ?

Ce qui nous rapproche est une même évaluation de la crise identitaire, qui est plus importante que la seule crise économique qui envahit les débats. Ce qui nous sépare est sans doute la vision du futur. Pour ma part, je ne crois pas au suicide français mais au contraire à la renaissance de la nation. Je crois au réveil français.

On vous voit et on vous entend de moins en moins dans les médias. Y a-t-il une raison ?

Le paradoxe est de constater que plus l’opinion se droitise, plus les médias se ferment à cette évolution massive pour privilégier l’entre-soi. Nous assistons à un réflexe d’autodéfense, de bunkérisation de la profession. Je suis en effet de moins en moins invité et mon livre, La guerre civile qui vient, subit l’omerta médiatique, cette nouvelle censure. À l’évidence, cette situation anormale ne peut durer très longtemps. Je n’ai par exemple jamais mis les pieds de ma vie à France Inter, qui est pourtant une radio de service public supposée défendre le pluralisme politique ! Mais l’internet m’offre, heureusement, des chemins de traverse !

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